samedi 30 mars 2013

Anne Sylvestre : "Et elle chante encore ?" - Daniel Pantchenko

Présentation de l'éditeur :


Née à Lyon en 1934, Anne-Marie Beugras, future Anne Sylvestre, passe son enfance dans la banlieue lyonnaise. En 1944, la famille se réfugie chez un oncle à Suresnes. Adjoint de Doriot, le leader du PPF, parti collaborationniste, Albert Beugras, le père d'Anne, s'enfuit en Allemagne. Arrêté, il échappera à la peine capitale mais passera plus de huit ans en prison. En 1974, sous le nom de Marie Chaix, la sœur d'Anne racontera son histoire dans Les lauriers du Lac de Constance. Anne Sylvestre se lance dans la chanson en novembre 1957 au cabaret La Colombe. De 1961 à 1967, elle enregistre six albums, récolte plusieurs Prix, passe à l'Olympia avec Gilbert Bécaud, à Bobino avec Jean-Claude Pascal et Félix Leclerc. La qualité de ses textes lui vaut d'être comparée à Brassens. Parallèlement, elle commence très vite à écrire des chansons pour enfants, domaine dans lequel elle fait figure de véritable pionnière avec ses fameuses Fabulettes. Dès 1973, Anne Sylvestre est également l'une des premières à autoproduire ses disques et ses spectacles. Cette indépendance lui permet d'écrire des chansons engagées, en particulier sur le thème de l'émancipation des femmes. Elle s'est ainsi attaché un public fidèle qui la suit depuis longtemps. En février 2013, à 78 ans, elle sera à nouveau à l'affiche d'une grande salle parisienne pour la sortie de son 22e album... Après s'être toujours opposée à toute biographie, la chanteuse a finalement accepté d'y participer et d'aborder pour la première fois de façon directe certains aspects de sa vie privée qui constituent autant de clés pour mieux apprécier ses chansons.

Mon avis :

Daniel Pantchenko, dans ce livre superbement documenté, nous offre  une très belle biographie d'Anne Sylvestre. C'est un parcours complet, depuis son enfance jusqu'en 2012, toute la vie et les plus de cinquante ans de  carrière d'Anne nous sont retracées. On retrouve tous ceux qui à différents moments l'ont côtoyée, Un grand nombre de ses chansons sont décryptées.   Pour moi qui depuis l'adolescence ait suivi sa carrière, d'abord avec ses chansons pour adultes puis avec ses chansons pour les enfants, découvertes pour mes élèves, puis pour mes propres enfants, c'est un document extraordinaire, qui permet d'aller plus loin sur l'histoire des chansons. En effet, si elles nous apparaissent universelles, elles  ont toutes une histoire que ce livre nous permet de découvrir ou redécouvrir. On découvre aussi les difficultés pour un artiste de mener sa carrière, et en particulier pour Anne qui  n'a jamais fait de concession et a poursuivi obstinément son bonhomme de chemin.
Daniel Pantchenko a fait un travail remarquable et réunit comme à son habitude une documentation précise et abondante pour notre plus grand plaisir, son style est clair, le livre malgré les 475 pages se lit très facilement. Un seul problème avec toutes les références données dans ce livre, ma "pile à lire" n'est pas prête de diminuer.
Un livre à lire absolument si on s'intéresse à la chanson (là c'est obligatoire) et si on ne s'y intéresse pas  c'est tout aussi passionnant.

Quelques extraits :

Elle constatait que si  un lac ne parle pas, il réfléchit, il réfléchit tout ce qui borde ses rives et tout ce qui le survole ; et quand on a appris à traduire ces réflexions, on découvre qu'il est capable d'absorber celles des humains et de les leur  retourner en "langue de l'eau", exactement comme un miroir. Et de plus en plus pollué.

Un jour, maman m'a ouvert un compte à la librairie ; j'y allais quand j'en avais envie, je prenais les livres que je voulais, et à la fin du mois elle allait régler. Déjà, on avait de bonnes subventions culturelles ! J'avais entre quinze et vingt ans, c'était vraiment chouette !

vendredi 22 mars 2013

Les constellation passaient au-dessus des grands arbres - Nicolas Dariel

Présentation de l'éditeur :


A l'occasion d'une exposition de peinture dans un village de l'arrière-pays niçois, Victor se remémore un détail très ancien qui va déclencher l'engrenage de toute une aventure. Plusieurs toiles non répertoriées, peintes par son aïeule, Marie Lanoa, dans les années 14 - 18, ont été bel et bien dispersées sur le marché de l'art. Cet événement ravive les sentiments et les souvenirs de Victor. Il imagine la vie de cette artiste et celle de son époux pendant ces années de guerre et de séparation... S'ensuit la rencontre de deux personnages, Victor et Paul, un journaliste, qui vont s'entretenir à maintes reprises pour tenter de faire revivre cette artiste hors du commun, ainsi que le destin de quelques tableaux... Deux personnages qui vont, tout au long d'une enquête pour le moins rocambolesque, nous faire découvrir une bien étrange relation et au fond, toute leur complémentarité.

Mon avis :

Victor, la soixantaine, installé dans son manoir fait revivre ses grands parents disparus. Il remue les souvenirs avec l'aide de son cousin Charles et écrit un livre sur leur vie durant la guerre de 1914-1918. Apparait ensuite Paul, un journaliste qui l'emmène sur les traces des femmes artistes de la fin du 19ème et du 20ème siècle, c'est avec lui que Victor part sur les traces de tableaux inconnus de Marie Lanoa, sa grand-mère, qui les mèneront jusque dans un New York de série policière qui nous conduira, nous les lecteurs, à des conclusions incertaines.

Si on prend ce livre comme une enquête sur l'œuvre d'une artiste peu connue bien que majeure dans son époque, on peut être déçu par l'intrigue, ce n'est pas ce que j'en retiendrai, plus important et évocateur me semblent être les relations de Victor avec son passé, son cousin Charles, et Paul ce journaliste si différent de lui, mais qu'il voit peu à peu dans sa sensibilité et son histoire et qu'il découvre complémentaire. Les considérations dans le courant du livre sur les femmes artistes de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle sont également très intéressantes.

Le style d'écriture de Nicolas Dariel m'a un peu dérouté au début du roman, mais il m'a peu à peu apprivoisé et  j'ai quitté ce roman à regret, ce qui est tout de même un très bon signe.

Une lecture très agréable qui donne envie de suivre cet auteur.

Quelques extraits :

C'est une exubérante liberté qui guidait sa main,  le crayon mêlé à la couleur, la couleur débordant allègrement les contours, les blancs, la toile laissée nue par endroits pour mieux opposer les champs de couleurs, le tout composé comme des semblants d'improvisations pour la mettre définitivement en place au cœur de ces aventuriers du fauvisme qui empruntaient à l'époque des méandres secrets reliant le monde de l'inconscient à la réalité  palpable et visible du temps présent, combinaisons audacieuses prises dans le piège de la toile.

La peinture, c'est un moyen de locomotion pour faire le tour du monde autour d'une pomme, dixit Cézanne, un luxe sublime de l'esprit débouchant sur une poésie soudain lue dans son ensemble, un seul bloc dans lequel le début et la fin se confondent.

Oui, ils sont dans des mondes différents, mais sa seule présence aide Victor à préciser ses propres idées. Une conversation qui tourne en deux monologues n'est pas forcément stérile. L'évidence des rouages vient  par surprise. On comprend après coup, si la patience est de la partie.

Une ville sans eau n' a pas de cœur. … 
Là où il ya de l'eau, quelle qu'elle soit, rivière ou mer, on ne se sent pas prisonnier, on n'est jamais seul.