mardi 11 décembre 2012

Ils venaient du nord - Françoise Lalande

Présentation de l'éditeur :


Roman sur deux jeunes hommes. En une vingtaine de tableaux, Françoise Lalande narre les moments forts de la destinée de deux génies : Rimbaud et Van Gogh, qu'un lien invisible unissait. Elle offre de la sorte un point de vue caustique sur le rapport d'une société avec ses créateurs.

Mon avis :

Dans un court essai d'une soixantaine de pages et en une vingtaine de thèmes, Françoise Lalande rapproche d'une manière sensible et passionnée la destinée de deux génies  venus du Nord  Rimbaud et Van Gogh, reconnus comme tels seulement après leur disparition.

On ne peut s'empêcher d'être surpris par toutes ces similitudes que l'auteur met en évidence, rapprochant poésie, peinture et destinées.

Un magnifique petit essai qui donne envie de redécouvrir les œuvres de ces deux génies avec un autre regard.

Quelques extraits :

Les tableaux de Vincent et les poèmes de Rimbaud demandent quelque chose d'autre, peut être du respect pour cette force qui nous dépasse, du bonheur qui vient de ce qui est beau, tout simplement, on reste assis devant les iris pendant des heures, on relit une fois de plus le bateau ivre, et c'est le bleu du ciel sur terre, façon de dire qu'il se passe quelque chose dans le cœur, dans le corps, et que cela vient de l’œuvre et de rien d'autre.

La dernière lettre est toujours une lettre d'adieu, même si le mot n'y est pas écrit, mais par le mystère de la mort annoncée, elle est message ultime du peintre à son frère, du poète au Directeur des Messageries maritimes.

Ils furent les aventuriers du soleil, jusqu'au jour où lui, Vincent se mit à tournoyer dans les champs, avec le vol d'oiseaux noirs au dessus du blé trop mûr, jusqu'au jour où, lui, Arthur, se mit à pourrir dans les déserts, avec des larmes comme nul autre agonisant n'en versera, mais à présent, le soleil se lève toujours pour eux.

lundi 10 décembre 2012

Madame Rimbaud - Françoise Lalande

Présentation de l'éditeur :

Madame Rimbaud ? Une horrible mégère doublée d'une mère castratrice, si l'on en croit l'imagerie scolaire et certaines légendes rimbaldiennes. La vérité est différente, plus complexe. Vitalie Rimbaud, née Cuif en 1825 dans une ferme des Ardennes, était une femme simple. Ayant perdu sa mère à l'âge de cinq ans, elle restera seule pour diriger l'exploitation familiale. Mariée au capitaine Frédéric Rimbaud en 1853, Vitalie sera abandonnée avec ses quatre enfants et devra affronter seule - une fois encore - le bombardement de Charleville-Mézières, l'humeur vagabonde de ses fils et notamment d'Arthur, la maladie d'une de ses filles... Elle se disait " vouée à toutes les souffrances de la vie ". Elle était la mère d'Arthur Rimbaud.

Mon avis :

Françoise Lalande  a  voulu rendre justice à une femme, dont tous le monde connait le fils, Madame Rimbaud. En partant d'une documentation précise et très bien analysée, elle nous retrace la vie de la mère de Rimbaud, dont les biographes de son fils n'ont pas laissé une image toujours très sympathique. Non seulement elle réhabilite l'image de la mère de ce génie, mais elle nous apporte un éclairage original sur Arthur lui-même.

Elle donne également une bonne idée de la vie dans les Ardennes en cette fin du XIXème siècle. 

Une biographie très documentée écrite dans un style vif et où l'auteur n'hésite pas donner sa propre interprétation des éléments à sa disposition, ce qui donne un livre très complet où on apprend beaucoup .

jeudi 6 décembre 2012

Le secret des abeilles - Sue Monk Kidd

Présentation de l'éditeur :


"Nous vivions pour le miel. Nous en avalions une cuillerée le matin pour nous réveiller et une autre le soir pour nous aider à dormir. Nous en prenions à chaque repas pour apaiser notre esprit, nous donner du tonus et prévenir les maladies mortelles."
En 1964, Lily a quatorze ans et vit en Caroline du Sud avec son père, un homme brutal, et Rosaleen, sa nourrice noire. Le décès de sa mère dans d'obscures conditions la hante. Lorsque Rosaleen se fait molester par les Blancs, Lily décide de fuir avec elle cette vie de douleurs et de mensonges. Elles trouvent refuge chez les soeurs Boatwright, trois apicultrices tendres et généreuses dont l'emblème est une Vierge noire. A leurs côtés, Lily va être initiée à la pratique quasi mystique de l'apiculture, à l'affection, à l'amour et à la tolérance. Sue Monk Kidd signe ici un roman touchant sur une époque où le racisme faisait force de loi, sur la magie de la nature et de la vie, et la puissance de l'amour maternel.

 Mon avis :

C'est l'histoire d'une jeune fille blanche qui fuit son père et se retrouve hébergée par une famille de sœurs noires, apicultrices dans le contexte de la lutte pour les droits civiques dans les  états unis des années 60. Elle est en quête de l'histoire de sa mère. L'histoire se déroule sur quelques semaines et nous embarque très vite. Les personnages  sont extrêmement attachants, tout en nuances et en humanité.
Sue Monk Kidd  nous offre une écriture très agréable, les personnages ont une véritable profondeur et on les voient évoluer progressivement dans toute la palette des émotions et celles du lecteur sont aussi beaucoup sollicitées . Un très beau livre, dont on sort optimiste sur la nature humaine.

samedi 1 décembre 2012

Neige - Maxence Fermine

Présentation de l'éditeur :


Au Japon, à la fin de XIXe siècle, le jeune Yuko s'adonne à l'art difficile du haïku. Désireux de perfectionner son art, il traverse les Alpes japonaises pour rencontrer un maître. Les deux hommes vont alors nouer une relation étrange, où flotte l'image obsédante d'une femme disparue dans les neiges.
Dans une langue concise et blanche, Maxence Fermine cisèle une histoire où la beauté et l'amour ont la fulgurance du haïku.
On y trouve aussi le portrait d'un Japon raffiné où, entre violence et douceur, la tradition s'affronte aux forces de la vie.

Mon Avis :

Un très court roman qui nous emmène à la source de la création poétique japonaise, dans une histoire toute simple, on suit le parcours de Yuko qui va s'initier à l'univers du haïku.

Chaque chapitre est introduit avec un haïku. Le style est lui aussi très poétique, et si le texte est très court et donc très vite lu, on en sort avec l'envie de redécouvrir cette forme un peu étrange de poésie et le monde qu'elle nous permet de côtoyer, bien différents des formes habituelles de notre poésie occidentale.

Quelques extraits :

La poésie n’est pas un métier. C’est un passe-temps. Un poème, c’est une eau qui s’écoule. Comme cette rivière. Yuko plongea son regard dans l’eau silencieuse et fuyante. Puis il se tourna vers son père et lui dit : C’est ce que je veux faire. Je veux apprendre à regarder passer le temps.

Un matin, le bruit du pot d’eau qui éclate dans la tête fait germer une goutte de poésie, réveille l’âme et lui confère sa beauté. C’est le moment de dire l’indicible. C’est le moment de voyager sans bouger. C’est le moment de devenir poète.

Ne rien enjoliver. Ne pas parler. Regarder et écrire. En peu de mots. Dix-sept syllabes. Un haïku.

Un matin, on se réveille. Il est temps de se retirer du monde pour mieux s’en étonner. Un matin, on prend le temps de se regarder vivre.

Mais il savait une chose, une seule chose, triste et belle : c’est qu’il allait vieillir, bien sûr, et finir par mourir un jour, mais jamais l’amour qu’il portait à cette femme ne mourrait, et pas davantage ce visage endormi sous la glace ne vieillirait.

Oui, une femme. Car l’amour est bien le plus difficile des arts. Et écrire, danser, composer, peindre, c’est la même chose qu’aimer. C’est du funambulisme. Le plus difficile, c’est d’avancer sans tomber. Soseki, lui, a fini par tomber pour l’amour d’une femme. Seul l’art l’a sauvé du désespoir et de la mort. Mais c’est une longue histoire, et elle va t’ennuyer, je crois.

Neige était devenue funambule par souci d’équilibre. Elle, dont la vie se déroulait comme un fil tortueux, entrelacé de nœuds que nouaient et dénouaient la sinuosité du hasard et la platitude de l’existence, excellait dans l’art subtil et périlleux consistant à évoluer sur une corde raide.

Pourquoi ? En vérité, le poète, le vrai poète, possède l’art du funambule. Écrire, c’est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d’un poème, d’une œuvre, d’une histoire couchée sur un papier de soie. Écrire, c’est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre. Le plus difficile, ce n’est pas de s’élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume, sur le fil du langage. Ce n’est pas non plus d’aller tout droit, en une ligne continue parfois entrecoupée de vertiges aussi furtifs que la chute d’une virgule, ou que l’obstacle d’un point. Non, le plus difficile, pour le poète, c’est de rester continuellement sur ce fil qu’est l’écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu’un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c’est de devenir un funambule du verbe.

Il y a deux sortes de gens. Il y a ceux qui vivent, jouent et meurent. Et il y a ceux qui ne font jamais rien d’autre que se tenir en équilibre sur l’arête de la vie. Il y a les acteurs. Et il y a les funambules.

lundi 26 novembre 2012

La lettre qui allait changer le destin d' Harold Fry arriva le mardi... Rachel Joyce

Présentation de l'éditeur :


Il était juste parti poster une lettre.
Mais c’est mille kilomètres qu’il va parcourir à pied.
Un roman inoubliable qui a conquis le monde entier.
« Je suis en chemin. attends-moi. Je vais te sauver, tu verras. Je vais marcher, et tu vivras. »
Harold Fry est bouleversé par la lettre qu’il reçoit de Queenie Hennessy, une ancienne amie qui lui annonce qu’elle va mourir.
Alors que sa femme, Maureen, s’affaire à l’étage, indifférente à ce qui peut bien arriver à son mari, Harold quitte la maison pour poster sa réponse. Mais il passe devant la boîte aux lettres sans s’arrêter, continue jusqu’au bureau de poste, sort de la ville et part durant quatre-vingt-sept jours, parcourant plus de mille kilomètres à pied, du sud de l’Angleterre à la frontière écossaise.
Car tout ce qu’Harold sait, c’est qu’il doit continuer à marcher.
Pour Queenie.
Pour son épouse Maureen.
Pour son fils David.
Pour nous tous.

Mon avis :

Harold, un retraité anglais, part soudainement pour un "road trip" qui va prendre peu à peu l'aspect d'un véritable pèlerinage. D'une période ou il marche seul, accompagné des soucis physiques de quelqu'un qui n'en a pas l'habitude et ou il va de rencontres en rencontres, il passe au statut de symbole qui rassemble les foules pour revenir à sa solitude et à la difficulté d'aller au bout de sa quête. Pas question d'en dire plus car l'histoire est superbement construite pour nous emmener de surprise  en surprise dans l'explication de ce qui a amené Harold à se lancer dans cette aventure, jusqu'à la révélation finale qui surprend même le lecteur attentif.

Une écriture légère, une histoire superbement bien menée, sourire, émotion, suspens, tous les ingrédients d'un excellent roman qui a l'inconvénient d'être difficile à lâcher et risque de vous faire  veiller tard.

mercredi 21 novembre 2012

Un jardin dans les Appalaches - Barbara Kingsolver

Présentation de l'éditeur :


Un manifeste écologique, par l’un des auteurs américains les plus influents. Best-seller aux États-Unis.
Cette escapade dans un monde alimentaire effrayant pourrait bien vous conduire à changer vos habitudes. Aux États-Unis le mouvement Slow Food prend de l’ampleur et Barbara Kingsolver, romancière et femme de conviction, en est. Avec toute sa famille, elle a décidé d’agir et s’est lancée dans un combat écologique d’envergure.
Nous sommes dans les Appalaches, dans le Kentucky précisément. Barbara, Steve et les deux filles Camille et Lily viennent d’arriver avec armes et bagages d’Arizona pour s’installer sur la ferme familiale. Leur projet : s’affranchir de l’alimentation industrielle bourrées de produits toxiques, sur-consommatrice de pétrole et destructrice de l’environnement pour se nourrir exclusivement d’aliments faits maison ou produits dans la région. Loin d’être le début des privations, l’expérience retracée ici par Barbara (et ponctuée de commentaires, de recettes et de statistiques signés de sa fille aînée et de son époux) prouve qu’il est possible de se régaler à la campagne comme en ville de produits locaux de saison.

Mon Avis :

Vous aimez la nature, cultivez ou aimeriez cultiver vos propres légumes, vous vous intéressez au retour à une alimentation plus naturelle, vous aimez bien manger, partager avec la famille et les amis ce livre devrait vous plaire.
Si  les arguments des écologistes vous tapent  sur le système, si dès que l'on parle de réduire votre consommation vous sortez le fusil, alors passez votre chemin, ce sera meilleur pour votre cœur.
Barbara Kingsolver raconte son expérience d'une année de production de la nourriture de toute une famille, elle est accompagnée par sa fille qui donne ses impressions ainsi que  des recettes et par son mari qui donne quelques repères théoriques sur les grands problèmes liés à l'alimentation.
Cela fait un livre très vivant, qui peut parfois paraitre  un peu trop "donneur de leçon", les thèmes sont traités d'une façon très complète et les recettes proposées donnent envie de se mettre aux fourneaux.
Barbara Kingsolver est une romancière confirmée et cela se sent.
Un livre avec lequel on apprend beaucoup avec plaisir.


 

samedi 27 octobre 2012

Stéphane Hessel : portrait d'un rebelle heureux - Manfred Flügge

Présentation de l'éditeur :


Durant l'entre-deux-guerres, résistant, déporté, diplomate, amateur de poésie, icône internationale d'une génération qui a reçu le manifeste Indignez-vous ! comme un appel et un espoir?
Un seul nom pour toutes ces vies : Stéphane Hessel.
Voici le premier essai biographique jamais écrit sur cet homme d'exception. Manfred Flügge, qui le connaît depuis près de trente ans, nous livre à la fois un portrait intime, un récit des années de combat et une analyse passionnante du phénomène médiatique et des polémiques que son opuscule a pu susciter. « Un livre dont j'admire la pertinence, l'authenticité et qui correspond à ce que je ressens. » Stéphane Hessel.

Mon avis : 

Ce livre est un essai biographique sur Stéphane Hessel , dont la vie foisonnante  dans laquelle  la poésie joue un grand rôle fascine les personnes qui le découvre.
Voilà un homme, qui, après une jeunesse et une vie professionnelle extrêmement riche et variée  devient célèbre à plus de quatre vingt dix ans, avec un petit recueil "indignez vous" qui devient un phénomène d'édition.
Le livre  est  en plusieurs parties, on découvre les origines familiales de Stéphane Hessel dans un milieu  culturellement  riche, on y rencontre nombre des artistes  qui ont   fait le début du 20ème siècle, puis la vie de ses parents, dont le long épisode avec leur ami Henri-Pierre Roché a inspiré a ce dernier le roman dont a été tiré le célèbre film  "Jules et Jim" . On découvre ensuite la jeunesse de Stéphane Hessel, puis les années de guerre, la résistance et les camps de concentration, pour arriver après guerre à sa carrière diplomatique .
Le livre se poursuit avec les circonstances de l'écriture du livre par Manfred Flügge qui décrit ses rencontres avec Hessel et raconte toute la passion de ce dernier pour la poésie tout au long de sa vie.
Enfin, il se termine par une histoire documentée et sans concession du manifeste "indignez vous" ainsi  que de "engagez vous" qui en a suivi la publication et d'une analyse des critiques et des polémiques suscité par ces livres  et les positions prises durant cette période  par Stéphane Hessel.
L'écriture de Manfred Flügge est claire et les analyses systématiques, on est devant un travail de précision, une grande amitié  transparait mais il n'y a pas de concessions et l'auteur sait être critique et montrer les points sombres, les faiblesses ou les erreurs sans jamais oublier les qualités et il cherche  toujours à comprendre ce qui peut avoir amené telle ou telle situation.
Toutes les analyses sont soigneusement documentées, c'est un remarquable travail de biographie sensible.
Parfois, le ton devient très didactique et les démonstrations peuvent paraitre un peu longues, mais cela ne nuit pas à la clarté du propos.
Un livre vraiment  complet, qui permet de mieux comprendre  qui est Stéphane Hessel en allant bien au delà des polémiques et de se faire sa propre opinion en connaissance de cause.

 Quelques extraits :

Franz Hessel n'avait pas l'ambition d'être un grand auteur, de créer une grande œuvre. Il ne voulait rien construire mais seulement jouir de ce qui existait déjà et en témoigner. Il ne s'agissait pas pour lui de conquérir, mais de donner à voir. "Nous ne voyons que ce qui nous regarde", écrivit il.

A la maison, il avait dessiné dans un cahier tout un atlas fantastique. Mais il n'y avait qu'un seule région dans ce monde, l'archipel Hesselland. Famille et amis, chacun avait son ile. Peut être devrait-on reconstituer la vie de Stéphane Hessel de cette manière, comme un atlas retraçant les histoires des iles, autant de de monades du destin gagnées ou perdues.

Le roman, le scénario de l'imaginaire, est un jeu avec nos aspirations (même les plus inavouables), une tentative pour échapper à la temporalité, en en suggérant une autre, celle du récit. L'autre est ce qui nous manque (et donc nous attire), il peut même s'agir du monde entier.

Le poème contient dans le même temps l'affirmation de la vie et le consentement à la mort. La vie se manifeste à travers la prosodie, la sonorité, le plaisir de dire les vers en respectant leur rythme. Le caractère définitif des choses se manifeste dans l'énoncé comme dans la forme. "La beauté est la vérité, la vérité est la beauté" : ces paroles de Keats contiennent tout ce qu'on doit savoir sur terre.
La poésie est d'abord plaisir - plaisir des mots, des sons, du parler, de la forme -, et elle devient seulement ensuite un jeu, une affirmation têtue de la volonté de vivre quand on se trouve dans une situation critique. Et elle est aussi magicienne, car elle rappelle l'existence d'autres sphères, renvoie à un au-delà de l'instant présent dans lequel elle se manifeste. La poésie se loge tout à la fois entre les temps et au seuil de l'éternité. Elle rend présent, vivant, actuel tout ce qu'elle implique au moment même où on la récite.



mardi 16 octobre 2012

Et puis, Paulette ... - Barbara Constantine

Présentation de l'éditeur :


Ferdinand vit seul dans sa grande ferme vide. Et ça ne le rend pas franchement joyeux. Un jour, après un violent orage, il passe chez sa voisine avec ses petits-fils et découvre que son toit est sur le point de s'effondrer. A l'évidence, elle n'a nulle part où aller. Très naturellement, les Lulus ( 6 et 8 ans ) lui suggèrent de l'inviter à la ferme. L'idée le fait sourire. Mais ce n'est pas si simple, certaines choses se font, d'autres pas...
Après une longue nuit de réflexion, il finit tout de même par aller la chercher.
De fil en aiguille, la ferme va se remplir, s'agiter, recommencer à fonctionner. Un ami d'enfance devenu veuf, deux très vieilles dames affolées, des étudiants un peu paumés, un amour naissant, des animaux. Et puis, Paulette....

Mon avis :

Un petit roman très attachant, un dimanche midi, je le trouve sur la table, commence à le feuilleter en regardant la pluie tomber dehors, il m'accroche et me voila au coin du feu à le dévorer, le soir il était terminé.
Barbara Constantine, nous raconte une très jolie histoire de solidarité  d'abord entre des personnes plutôt âgées puis intergénérationnelle. L'histoire est émouvante, les personnages très attachants, un roman sans prise de tête, ce n'est pas de la grande littérature, les personnages manquent un peu d'épaisseur, l'histoire est un peu tirée par les cheveux à certains moments, mais cela ne m'a pas du tout gêné. L'écriture est alerte, on ne s'attarde pas sur les détails, les chapitres sont courts et efficaces, pleins d'anecdotes amusantes et  touchantes.
Un très joli roman pour un après midi pluvieux.

samedi 13 octobre 2012

Avenue des géants - Marc Dugain

Présentation de l'éditeur :

Al Kenner serait un adolescent ordinaire s'il ne mesurait pas près de 2,20 mètres et si son QI n'était pas supérieur à celui d'Einstein. Sa vie bascule par hasard le jour de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Plus jamais il ne sera le même. Désormais, il entre en lutte contre ses mauvaises pensées. Observateur intransigeant d'une époque qui lui échappe, il mène seul un combat désespéré contre le mal qui l'habite. Inspiré d'un personnage réel, Avenue des Géants, récit du cheminement intérieur d'un tueur hors du commun, est aussi un hymne à la route, aux grands espaces, aux mouvements hippies, dans cette société américaine des années 60 en plein bouleversement, où le pacifisme s'illusionne dans les décombres de la guerre du Vietnam.

Mon avis :

Je n'avais pas lu la quatrième de couverture avant d'avoir lu le livre. Heureusement car je ne l'aurai sans doute pas attaqué, les histoires de tueurs en série me repoussent. Le début du livre m'a semblé très étrange mais si bien écrit qu'il m'a entrainé quasiment d'une traite vers la fin.
C'est donc l'histoire vraie d'un tueur en série que nous conte Marc Dugain.  Il nous entraine dans le monde de Al Kenner avec la construction progressive d'une analyse de sa personnalité extrêmement bien menée, on suit sa vie sans se douter à aucun moment de ce qui va se passer.
C'est une des qualités de ce livre, si on n'a pas lu la quatrième de couverture, on ne comprend que tout à la fin que l'on a affaire à un véritable tueur en série d'une intelligence diabolique. Marc Dugain, arrive avec délicatesse à juste suggérer l'insoutenable tout à la fin du livre. Chapeau, il aurait vraiment été dommage de ne pas le lire.

Quelques citations :


 — Vous pouvez leur annoncer le chiffre. 3952 livres de 71 à aujourd’hui. Et si vous voulez les faire rire, dites-leur que je n’en avais lu qu’un seul entre ma naissance en 48 et 1971. Je l’ai lu trois fois. Devinez lequel ? Elle répond : — La Bible. — Non, Crime et châtiment. Un sacré bon livre, vraiment. Je ne crois pas qu’on en ait écrit de meilleur.

Je voyais qu’elle se méfiait de moi depuis ma colère. La conversation s’est éteinte comme un vieux feu de camp, les gens n’ont pas tant de choses à se dire. Si elle s’étend, c’est que les alcooliques ont pris le relais.

La nature ne connaît ni le silence ni le bruit. Ce n’est pas comme en ville, ce qu’on entend va toujours dans votre sens, celui de votre apaisement, pour peu que vous ayez confiance dans la vie sauvage.

C’est souvent comme ça dans ce pays. Les gens recherchent la solitude on ne sait trop pourquoi et ils la font payer au premier pékin qui se présente en lui tenant le crachoir des heures.

Je ne l’ai jamais vue ni joyeuse ni triste et, même quand elle est méchante, on sent qu’elle se force, que ce n’est pas naturel. La gentillesse lui demande trop d’efforts d’imagination, elle ne saisit pas le concept.

Pourquoi les gens écrivent-ils ? Souvent parce qu’une sourde vanité les rend fiers de leurs malheurs et qu’ils veulent les partager avec le reste de l’humanité parce que, au fond, ils sont trop lourds pour eux. Je crois aussi que beaucoup de gens écrivent parce qu’ils ne trouvent aucun réconfort auprès de leur famille. C ’est même pire, c’est souvent leur famille qui est à l’origine de leurs déboires. Avoir des lecteurs leur donne le sentiment d’être moins seuls sans l’inconvénient d’une promiscuité assommante avec des gens bien intentionnés. Souvent aussi, ils écrivent pour laisser une trace.

J’ai compris alors que nommer quelque chose permettait de le désamorcer en partie. En levant l’interdiction d’en parler, ses essences s’évaporaient doucement, un peu comme un parfum laissé ouvert.

À part quelques auteurs purement cérébraux, il faut un peu de sensibilité pour profiter d’un écrivain.

On n’a jamais entendu cri plus déchirant que celui d’un nouveau-né de l’espèce humaine. La mort est dans une proximité effrayante, bien plus que chez n’importe quelle espèce animale où le nouveau-né trouve une relative autonomie en quelques heures. L’enfant crie sa faiblesse, son absolue précarité

Le seul tort d’Orwell c’était de croire que le totalitarisme prendrait un visage terrifiant. Oh non ! Rien de tout cela, pour autant que vous acceptiez la petite musique mièvre des réseaux sociaux, que vous acceptiez l’obsolescence de tout ce que vous achetez au bout d’un an, que Sisyphe n’ait pour tout repos que la période des soldes, que Google sache tout de vous et puisse  éventuellement le monnayer aux flics, qu’on puisse vous localiser à tout instant avec votre téléphone, vous ne risquez rien.

J’ai entrepris d’écrire mes Mémoires et je sais qu’il y manquera toujours ce qui, masqué ou pas, fait la saveur d’un livre : l’empathie.

Un voilier se découpait sur l’horizon, une prison flottante, l’enfermement des mers dans l’illusion de la liberté absolue.

Mon père disait : « Le blues c’est l’âme qui s’égoutte », et je comprenais pour la première fois le sens de sa phrase. J’étais donc, contrairement à ce que prétendait ma mère, capable d’une forme d’empathie pour les autres.

mardi 28 août 2012

La grammaire est une chanson douce - Erik Orsenna

Présentation de l'éditeur :


Jeanne, la narratrice, pourrait être la petite soeur d'Alice, précipitée dans un monde où les repères familiers sont bouleversés. Avec son frère aîné, Thomas, elle voyage beaucoup. Un jour leur bateau fait naufrage et, seuls rescapés, ils échouent miraculeusement sur une île inconnue. Mais la tempête les avait tant secoués qu'elle les avait vidés de leurs mots, privés de parole. Accueillis par Monsieur Henri, un musicien poète et charmeur, ils découvriront un territoire magique où les mots mènent leur vie : ils se déguisent, se maquillent, se marient.


Mon avis :

Un adorable petit livre sur la langue, ses mots et leur agencement. Erik Orsenna nous conte notre langue, mais cela pourrait très facilement être transposé à une autre langue.
Il lance au passage  quelques piques à un enseignement exagérément rigoriste et trop éloigné de l'univers des enfants tout en suggérant un regard sur les mots et la façon de les agencer. Une bien jolie chanson douce que cette grammaire ! A partager sans compter. D'aucuns diront que l'histoire est un peu simplette. Toute simple, oui, mais très agréable et enchanteresse. 
Comment ça vous avez deviné que j'étais maitre d'école ?
A lire et relire absolument. 
Merci à la Babelienne qui m'a donné envie de le redécouvrir.

lundi 27 août 2012

La liseuse - Paul Fournel





Présentation de l'éditeur :


La stagiaire entre dans le bureau de Robert Dubois, l'éditeur, et lui tend une tablette électronique, une liseuse. Il la regarde, il la soupèse, l'allume et sa vie bascule. Pour la première fois depuis Gutenberg, le texte et le papier se séparent et c'est comme si son cœur se fendait en deux.


Mon avis : 

Un éditeur, au terme de  sa carrière, confronté aux financiers qui tentent de lui imposer une gestion de l'entreprise qui ne lui plait guère, se voit imposer une tablette électronique  (d'où le titre impropre à l'objet prétexte du livre mais parfait pour ce roman). Cela déclenche chez lui une certaine lassitude et l'idée de jouer un tour à ceux qui aimeraient bien qu'il laisse sa place dans la maison. Il utilisera les compétences de jeunes stagiaires à cette fin.
Comme je le disais plus haut, la liseuse n'est qu'un prétexte , pour amener une histoire de revanche jouissive et nous permettre de pénétrer dans les coulisses d'une maison d'édition avec ses méthodes, ses querelles, ses relations humaines parfois particulières. L'écriture est légère, pleine d'humour, j'ai beaucoup ri, et pourtant l'arrière plan reste une fin de carrière et même une fin de vie.
J'ai eu la surprise dans la postface de voir que l'auteur semblait s'être livré en plus à un exercice de style très particulier avec la structure de ce roman. Les spécialistes apprécieront sans doute.
En tous cas, un très bon roman qui se lit très facilement.

Quelques extraits :

Celui qui est sous ma joue est un manuscrit d’amour : c’est l’histoire d’un mec qui rencontre une fille mais il est marié et elle a un copain… J’en ai lu sept pages et je le connais déjà par cœur. Rien ne pourra me surprendre. Depuis des lunes, je ne lis plus, je relis. La même vieille bouillie dont on fait des « nouveautés », des saisons, des rentrées « littéraires », des succès, des bides, des bides.

Elle disparaît d’un tour de fesses, tire la porte sur elle avec douceur et je me retrouve à câliner ma liseuse. Elle est noire, elle est froide, elle est hostile, elle ne m’aime pas. Aucun bouton ne protrude au-dehors, aucune poignée pour la mieux tenir, pour la balancer à bout de bras comme un cartable mince, que du high-tech luxe, chic comme un Suédois brun. Du noir mat, du noir glauque (au choix), du lisse, du doux, du vitré, du pas lourd. Je soupèse.

Je veux rester encore une minute, couché sur le bureau, juste une minute, le nez dans le manuscrit pour le renifler une dernière fois, tant il est vrai qu’une page bien sentie est une page déjà lue.

L’artichaut est un légume de solitude, difficile à manger en face de quelqu’un, divin lorsqu’on est seul. Un légume méditatif, réservé aux bricoleurs et aux gourmets. D’abord du dur, du charnu, puis, peu à peu, du plus mou, du plus fin, du moins vert. Un subtil dégradé jusqu’au beige du foin qu’un dernier chapeau pointu de feuilles violettes dévoile. La vinaigrette qui renouvelle son goût au fil des changements de texture. Un parcours que l’on rythme à sa guise. Rien ne presse dans l’artichaut. On peut sucer une feuille pendant plusieurs minutes, jusqu’à l’amertume, on peut, au contraire, racler des incisives la chair de plusieurs feuilles à la suite pour se donner une bouchée consistante. La seule figure interdite est celle de l’empiffrement. Un légume qui a ses règles d’élégance. Puis vient le moment distrayant de l’arrachage. Saisi entre pouce et couteau, le foin cède en petites touffes nettes, libérant le cœur de toute sa toison en une sorte de saisissant raccourci amoureux. Enfin arrive le moment de la récompense : à la fourchette et au couteau on peut entrer dans le cœur du légume, priant le jardinier de n’y avoir laissé aucun arrière-goût de farine.

– Tu vois, petit con, lui dit-elle, c’est facile de dire non en trois secondes à un auteur, facile de se moquer même de son travail, mais il faut que tu saches comme c’est long et comme c’est emmerdant de faire un livre. Même un mauvais. Surtout un mauvais.

Nous avons vidé les livres de ce qu’il y avait dedans pour en vendre davantage et nous n’en vendons plus. Tout est de notre faute.

Je ferme les écoutilles. Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit, je lis. Coover est un écrivain difficile, il faut se glisser dans son armure, ce qui occasionne quelques ampoules et quelques gênes aux entournures et puis ensuite, c’est le grand confort inconfortable d’une vraie lecture.

– Les autres feront pareil ou feront comme avant. Il y aura toujours du papier, toujours de l’écran. Les pages ne se tournent pas d’un coup sec.

Ces règles claires et magnifiquement contournables, servent à se rassurer au moment de dire « j’aime » ou « je n’aime pas » et à conjurer les vingt autres règles obscures au nom desquelles on choisit vraiment. Ces raisons troubles, faites de goûts, d’affinités, de culture : les raisons de la ressemblance  avec ce qu’on aime, les raisons de la différence, les raisons de la colère, les raisons de fidélité à son adolescence, à ses maîtres, sans oublier les raisons de l’amitié et de l’amour, qui sont de bonnes raisons d’éditer. Le talent se reconnaissant aussi dans les baisers.

On dirait qu’elle a perpétuellement froid. Elle picore une tranche de concombre posée sur une petite éponge beurrée qui va me coûter cinquante livres, et je sais qu’elle est heureuse de regarder les vieilles anglaises qui se piquent le nez au porto en mangeant des gâteaux à la crème. C’est son péché.

Par esprit de farce et de solidarité, j’ai pris chez mon boulanger des petits pains aux céréales ronds et je vais présenter les steaks dedans à la façon des « biftecks à la mode de Hambourg », comme on écrivait dans les premières traductions de polars américains chaque fois qu’un « hamburger » tombait sous la plume des traducteurs.

Je suis enfin derrière une muraille de livres. Chaque jour je me suis dit : « Il faut que tu lises ça. » « Si j’avais le temps je lirais ça. » « Quand je pense que je n’ai toujours pas lu ça. » « Ils ont de la chance, ceux qui peuvent lire en liberté. » « Si seulement j’avais lu ça, je serais un bien meilleur lecteur… »

Lorsque j’aurai terminé la lecture du dernier mot de la dernière phrase du dernier livre, je tournerai la dernière page et je déciderai seul si la vie devant moi vaut encore la peine d’être lue.

lundi 20 août 2012

Samarcande - Amin Maalouf

Présentation de l'éditeur : 


Samarcande, c'est la Perse d'Omar Khayyam, poète du vin, libre-penseur, astronome de génie, mais aussi celle de Hassan Sabbah, fondateur de l'ordre des Assassins, la secte la plus redoutable de l'Histoire. Samarcande, c'est l'Orient du XIXe siècle et du début du XXe, le voyage dans un univers où les rêves de liberté ont toujours su défier les fanatismes. Samarcande, c'est l'aventure d'un manuscrit qui, né au XIe siècle, égaré lors des invasions mongoles, est retrouvé des siècles plus tard.
Amin Maalouf, l'auteur de Léon l'Africain, nous conduit sur la route de la soie à travers les plus envoûtantes cités d'Asie et nous ravit par son extraordinaire talent de conteur. Samarcande a obtenu le Prix des Maisons de la Presse 1988.

Mon Avis : 

Samarcande  c' est une ville d'Ouzbékistan, à la limite des mondes turcs et persans. Le poète persan Omar Khayyam, scientifique et poète y a vécu une partie de sa vie.  Dans la première partie de son livre, Amin Maalouf nous fait découvrir la vie de ce poète et l'origine de la création d'un volume mythique de poèmes que Omar a rédigé tout au long de sa vie. On y découvre aussi l'histoire mouvementée de cette contrée au XIe  siècle.
Dans la seconde partie c'est la redécouverte de ce manuscrit de la fin du XIXe au début du XX e siècle avec de la même façon l'histoire extrêmement troublée de toute la région.
L'écriture d'Amin Maalouf est toute en délicatesse et en poésie, il sait nous faire découvrir l'âme des personnages de son livre et nous promener dans l'histoire d'une région qui ne nous est en général pas très familière. Et si l'on se prend à réfléchir aux similitudes dans les troubles politiques entre les deux périodes décrites dans ce livre et notre époque qui est toujours aussi mouvementée dans toute cette région, on se dit que la poésie est réellement plus que nécessaire pour tenter d'aider les hommes à surmonter ces épreuves. Pour moi, ce livre y participe car au delà de l'histoire, l'auteur arrive à nous emmener dans une réflexion assez fine sur les hommes, leurs cultures et leur soif de pouvoir. 
Un très beau livre que je relirai à coup sur.

Quelques extraits : 

Le regard qu’Omar recueille, aspire, voudrait retenir. Instant indétectable pour la foule, éternité pour l’amant. Le temps a deux visages, se dit Khayyam, il a deux dimensions, la longueur est au rythme du soleil, l’épaisseur au rythme des passions.

La vie de cour n’est pas pour moi ; mon seul rêve, ma seule ambition est d’avoir un jour un observatoire, avec un jardin de roses, et de contempler éperdument le ciel, une coupe à la main, une belle femme a mes côtés.

Khayyam l’entoure d’un bras attendri. Il soupire :  — Si au moins nous avions le loisir de nous expliquer, je sais que cette stupide querelle serait balayée, mais le temps nous harcèle, il nous somme de jouer notre avenir sur ces minutes embrouillées.

« Le ravissement de ta mère ne fut pas mieux caché que le mien, nous étions sûrs l’un et l’autre que nos lignes de vie venaient de se rejoindre, à aucun moment nous n’avons pensé qu’il pouvait s’agir d’une banale coïncidence de lecture. Omar nous est apparu dans l’instant comme un mot de passe du destin, l’ignorer eût été quasiment sacrilège. Bien entendu, nous n’avons rien dit de ce qui s’agitait en nous, la conversation tourna autour des poèmes. Elle m’apprit que Napoléon III en personne avait ordonné la publication de l’ouvrage. »

Cette fois, son regard était au loin, elle m’offrait son profil à contempler, sa peau hâlée d’un grain si pur. La douceur aurait-elle un teint, ce serait le sien ; le mystère aurait-il une lueur, ce serait la sienne. J’en avais les joues moites, les mains froides. Le bonheur battait mes tempes. Dieu, qu’elle était belle, ma première image de l’Orient

Je ne redoutais pas ma déception quotidienne, je la vivais comme un hommage aux rêves qui me hantaient.






dimanche 19 août 2012

A lire: La formule papier + epub par François Bon


Pour changer un peu,  un article passionnant de François Bon lu ce matin.


Dans le débat  permanent et souvent houleux que les amateurs de littérature ont entre lecture sur papier et lecture numérique, François Bon et son équipe apportent non seulement des arguments mais des réalisations très concrètes.
A l'occasion du lancement de publie.papier le 20 aout 2012, il nous offre sur son blog le tiers livre un excellent article fait, bien sur,  pour présenter la nouvelle offre mais aussi dans lequel ce débat papier contre numérique est traité en profondeur avec la clarté et la passion de François Bon.

A lire absolument quelle que soit votre position sur la lecture et le numérique.

Sur le Tiers livre : la formule papier+epub et pourquoi on y croit 

En plus : le site de publie.net et le site publie.papier

mardi 14 août 2012

Bartleby le scribe - Herman Melville

Présentation de l'éditeur :


“Je préférerais ne pas” : telle est la réponse, invariable et d’une douceur irrévocable qu’oppose Bartleby, modeste commis aux écritures dans un cabinet de Wall Street, à toute demande qui lui est faite. Cette résistance absolue, incompréhensible pour les autres, le conduira peu à peu à l’isolement le plus total. Bartleby, s’il n’a pas l’ampleur de Moby Dick et Pierre ou les ambigüités compte pourtant parmi les écrits les plus importants d’Herman Melville (1819-1891). Les thèmes existentiels de ses romans d’aventures y sont transposés, avec une tension comparable, dans la simple histoire de la vie d’un employé. Ce texte bref, mais aux significations inépuisables, a exercé une fascination durable sur des écrivains et philosophes comme Maurice Blanchot, Georges Bataille, Michel Foucault ou Gilles Deleuze. L’un des mérites de cette nouvelle traduction est de faire ressortir une qualité du texte quelque peu occultée : son humour. 

Mon avis : 

Un livre très court, grinçant. Dans un bureau, au dix neuvième  siècle, le patron décrit ses employés d'une façon assez sarcastique, il embauche ensuite Bartleby qui  s'il commence par faire son travail de façon irréprochable se met à refuser certaines taches puis tout travail. 
Melville décrit la stupéfaction puis l'embarras du patron devant cette situation, voguant entre colère et pitié, en particulier quand il s'aperçoit que Bartleby vit dans le bureau. On suit l'embarras du patron et la tension qui monte peu à peu jusqu'à la triste chute finale.
C'est un texte superbement bien écrit avec un humour grinçant et qui, cela ne gâte rien,  donne à réfléchir. Melville arrive  à nous mettre à la place du patron, On fini par ressentir les humeurs  qu'il décrit . De la grande littérature dans un format très court.

mercredi 8 août 2012

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates - Mary Ann Shaffer - Annie Barrows

Présentation de l'éditeur :


Janvier 1946. Londres se relève douloureusement des drames de la Seconde Guerre mondiale et Juliet, jeune écrivaine anglaise, est à la recherche du sujet de son prochain roman. Comment pourrait-elle imaginer que la lettre d'un inconnu, un natif de l'île de Guernesey, va le lui fournir ? Au fil de ses échanges avec son nouveau correspondant, Juliet pénètre son monde et celui de ses amis - un monde insoupçonné, délicieusement excentrique. Celui d'un club de lecture créé pendant la guerre pour échapper aux foudres d'une patrouille allemande un soir où, bravant le couvre-feu, ses membres venaient de déguster un cochon grillé (et une tourte aux épluchures de patates...) délices bien évidemment strictement prohibés par l'occupant. Jamais à court d'imagination, le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates déborde de charme, de drôlerie, de tendresse, d'humanité Juliet est conquise. Peu à peu, elle élargit sa correspondance avec plusieurs membres du Cercle et même d'autres habitants de Guernesey , découvrant l'histoire de l'île, les goûts (littéraires et autres) de chacun, l'impact de l'Occupation allemande sur leurs vies... Jusqu'au jour où elle comprend qu'elle tient avec le Cercle le sujet de son prochain roman. Alors elle répond à l'invitation chaleureuse de ses nouveaux amis et se rend à Guernesey. Ce qu'elle va trouver là-bas changera sa vie à jamais.

Mon avis :

Un délicieux roman épistolaire qui nous emmène à la fin de la guerre dans un Londres pas encore relevé de ses destructions. Juliet qui est à la recherche d'un nouveau sujet pour continuer son œuvre de romancière débute une correspondance avec des habitants de Guernesey qui avaient créés un cercle littéraire pendant l'occupation de leur ile. 
C'est cette correspondance qui va entrainer Juliet dans une aventure qu'elle n'attendait pas du tout. 
Tout le roman est construit autour des échanges de courriers entre Juliet et les personnages de l'histoire. Si ces personnages sont nombreux, à aucun moment on ne se perd dans cette correspondance. 
Le style est délicieux et je regrette vraiment que ce soit le seul roman que Mary Ann Shaffer ait écrit, je me serai jeté sur les suivants à coup sur. Merci à Annie Barrows, sa nièce, de lui avoir permis de terminer ce petit bijou.

Quelques extraits :

J'adore faire les librairies et rencontrer les libraires. C’est vraiment une espèce à part. Aucun être doué de raison ne deviendrait vendeur en librairie pour l’argent, et aucun commerçant doué de raison ne voudrait en posséder une, la marge de profit est trop faible. Il ne reste donc plus que l’amour des lecteurs et de la lecture pour les y pousser. Et l’idée d’avoir la primeur des nouveaux livres.

J’ai surpris votre coursier en flagrant délit de dépôt d’œillets roses sur mon palier. Je l’ai saisi par le col et je l’ai menacé jusqu’à ce qu’il me révèle votre adresse. Vous, voyez, Mr. Reynolds, vous n’êtes pas le seul à user de la tactique de l’intimidation sur d’innocents employés. J’espère que vous ne le renverrez pas, il a l’air d’un gentil garçon, il n’a guère eu le choix ; je l’ai menacé de La Recherche du temps perdu.

J’aimerais aussi trouver des récits de voyage ou des livres sur l’histoire des îles Anglo-Normandes. Est-il exact que, par une journée claire, on peut apercevoir les automobiles rouler le long des côtes françaises ? C’est ce que prétend mon encyclopédie, mais je l’ai achetée d’occasion et je ne m’y fie guère.

Ma voisine, Evangeline Smythe, va accoucher de jumeaux en juin. Comme elle ne semble pas transportée de joie à cette idée, je vais lui demander de m’en donner un.

Avez-vous remarqué que, lorsque votre esprit est focalisé sur une personne, sa présence se manifeste partout où vous allez ? Mon amie Sophie appelle cela des coïncidences et le pasteur Simpless, la grâce. Il pense que quand on aime profondément une personne ou une chose, on projette une énergie à travers le monde qui lui apporte « la fécondité ».

Je suppose que j’ai un prétendant, mais je ne suis pas encore très habituée à lui. Il est terriblement charmeur et me comble de repas succulents, et, pourtant, je me dis parfois que je m’accommode mieux des prétendants des livres que je lis que de ceux que j’ai devant moi. Comme ce serait lâche et pervers de ma part si c’était vrai.

mardi 7 août 2012

Promenons nous dans les bois - Bill Bryson

Présentation de l'éditeur :


Rentré aux États-Unis au milieu des années 1990 après avoir longtemps vécu en Angleterre, le désopilant Bill Bryson nous avait raconté les péripéties de son quotidien dans American Rigolos (Payot, 2001). Outre observer la faune de ses concitoyens, il a voulu redécouvrir aussi son pays par un retour à la nature. Alors il s’est courageusement attaqué à l’Appalachian Trail, un sentier qui serpente à travers les montagnes sur 3 500 kilomètres, du Maine à la Géorgie.
Pour compagnon dans des paysages autrement plus tourmentés que son Iowa natal, Bill s’est choisi son vieux copain d’école, Stephen Katz, qu’il nous avait présenté dans Ma fabuleuse enfance dans l’Amérique des années 1950 (Payot, 2009). Le problème, c’est que Katz n’aime rien tant que regarder la série X-Files dans les motels. L’autre problème, c’est qu’en se promenant dans les bois on risque, comme dans la série, de croiser de drôles de créatures qui n’ont pas l’humour de l’auteur – des ours ou, pis, des randonneurs, sans oublier les petites plantes toxiques qui vous rendent plus vert qu’un Martien.
La littérature de voyage à la Bryson a pour immense avantage de ne pas endormir le lecteur en chemin.    « Jamais un bouquin ne m’a fait autant rire ! » s’est exclamé Robert Redford après en avoir acquis les droits cinématographiques pour devenir Bill à l’écran aux côtés de Katz, alias Paul Newman. Le décès de ce dernier a repoussé le projet, mais Redford a récemment déclaré ne pas y avoir renoncé…

Mon avis :
  
Vous aimez marcher dans la nature, mais vous n'osez pas vous lancer ? Ce livre est fait pour vous, bon, pour les autres aussi, car si l'épine dorsale du récit est le sentier des Appalaches, c'est aussi un livre plein d'humour, d’auto-dérision, d'anecdotes sur la nature, d'Histoire. On y apprend beaucoup avec plaisir.
Nos deux randonneurs partis sans entrainement sur un sentier difficile vont réaliser une bonne partie de leur projet malgré des conditions qui pourraient sembler réellement risquées à un randonneur aguerri . Le récit fourmille d'anecdotes et sait s'égarer sur des chemins de traverses qui rendent la lecture moins monotone et donne envie de reprendre ses chaussures de marche pour un tour dans la nature.
 Le style est léger, on se sent très vite emporté et on y revient sans difficulté tant qu'il n'est pas terminé.

Quelques extraits :

À un certain moment, vous atteignez une hauteur dépassant le faîte des plus hauts arbres et se détachant sur un ciel clair ; alors votre esprit chancelant s’agite : « Voilà, nous y sommes ! », mais ce n’est qu’une misérable déception. Ce sommet illusoire s’éloigne continuellement, peu importe la distance que vous franchissez, de sorte que chaque fois que la voûte du feuillage s’ouvre pour vous permettre de voir au loin, vous vous apercevez que les cimes des arbres sont aussi éloignées et inaccessibles qu’auparavant. Vous continuez encore en titubant. Que pouvez-vous faire d’autre ?

Elle m’apporta un immense et visqueux morceau de tarte au citron d’un jaune canari. C’était un monument à la gloire de la technologie alimentaire : assez jaune pour vous donner un mal de tête, assez sucré pour vous faire virer les yeux à l’envers, pour tout dire, tout ce que vous pouvez attendre d’une tarte tant que le goût et la saveur ne font pas partie de vos exigences.

La notion de distance change totalement lorsque vous traversez le monde à pied : 1 km devient une grande distance, 2 km une distance considérable, 20 km une aventure, 100 km une distance hors de toute perception. Vous réalisez que le monde est gigantesque dans une perspective que seul vous, et une petite communauté d’amis randonneurs, connaissez. L’échelle planétaire est votre petit secret. La vie prend aussi un air de grande simplicité. Le temps cesse d’avoir toute signification.

C’était vraiment ainsi aujourd’hui. Les mêmes groupes de personnes en forme de poire et portant des Reeboks, déambulent à travers les odeurs de nourriture, tenant à pleine main des aliments grotesques et des breuvages servis dans des gobelets géants.

Et maintenant, l’État songe à rétablir l’ancienne loi, prouvant hors de tout doute que le principal danger qui guette les gens du Tennessee n’est pas tant le fait qu’ils puissent descendre du singe, mais qu’ils puissent plutôt être dépassés par eux. Je ne peux pas expliquer tout à fait pourquoi, mais soudainement, ressentant un besoin urgent de ne pas rester plus longtemps dans ce Sud profond

C'est toujours comme si c’était la première fois. À la fin du 1er jour, on est très conscient d’être malpropre. Le 2e jour, on se sent répugnant. Au 3e, on cesse d’y faire attention. Au 4e, on ne se souvient plus comment on était avant. La faim suit aussi un pareil schéma.

L'article citait aussi plusieurs autres personnes qui s’étaient égarées en utilisant leur GPS. Elles pouvaient établir leurs positions, comme 17,48 Ouest, mais elles n’avaient malheureusement pas la moindre idée de ce que cela pouvait signifier étant donné qu’elles n’avaient pas emporté ni cartes, ni boussole, ni de cervelles bien évidemment.

jeudi 26 juillet 2012

Avant d'aller dormir - S.J. Watson

Présentation de l'éditeur :


À la suite d un accident survenu une vingtaine d années plus tôt, Christine est aujourd'hui affectée d un cas très rare d'amnésie : chaque matin, elle se réveille en croyant être une jeune femme célibataire ayant la vie devant elle, avant de découvrir qu elle a en fait 47 ans et qu'elle est mariée depuis vingt ans. Son dernier espoir réside dans son nouveau médecin, Ed Nash. Celui-ci lui a conseillé de tenir un journal intime afin qu'elle puisse se souvenir de ce qui lui arrive au quotidien et ainsi reconstituer peu à peu son existence. Quand elle commence à constater de curieuses incohérences entre son journal, ce que lui dit son entourage et ses rares souvenirs, Christine est loin de se douter dans quel engrenage elle va basculer. Très vite elle va devoir remettre en question ses rares certitudes afin de faire la vérité sur son passé... et sur son présent.

Mon avis :

Du vrai suspense !
Le problème de ce roman est qu'on ne peut plus le lâcher une fois commencé, le suspense est mené d'une façon magistrale d'un bout à l'autre.
L'histoire se déroule en trois parties. La première nous fait rencontrer Christine qui se réveille sans le moindre souvenir, la description est très bien faite, c'est là qu'elle (re)découvre et nous aussi le fameux journal qui va tenir une place importante dans la suite du roman. La seconde partie est une relecture de ce journal avec les différentes découvertes et questions qui se posent pour notre héroïne. Et la dernière partie est le dénouement tout à fait inattendu de l'histoire.
Cette histoire repose sur des fondations peu crédibles si on y réfléchit un peu (curieuse sorte d'amnésie, entourage bien peu curieux) mais cela n'a pas d'importance, l'histoire est rondement menée et ce n'est que dans les toutes dernières pages que l'on commence à se douter de ce qui s'est passé réellement.
Une écriture vive et précise, une histoire bien menée, beaucoup de qualités pour un roman à lire d'une seule traite.

mercredi 25 juillet 2012

La vie, l'univers et le reste - Douglas Adams

Le guide galactique, tome 3

Présentation de l'éditeur :

Pourquoi le tristement anonyme Arthur Dent se promène-t-il outrageusement affublé d'un sac en peau de lapin, un os dans le nez, au beau milieu d'une finale de cricket? Et que fait Manin, l'androïde dépressif, à asséner ses considérations suicidaires aux improbables habitants des marécages de Squornshellous Zeta ? Pas de panique ! Car l'inénarrable, l'irremplaçable Guide du voyageur galactique saura une fois encore tirer d'affaire nos malheureux astrostoppeurs égarés; et peut-être, privilège suprême, leur révélera-t-il enfin le Grand Mystère de La Vie, de l'Univers et du Reste! 


Mon avis :

Cette fois, notre équipe d'aventuriers de l'espace a pour mission (qu'elle le veuille ou non) de sauver l'univers des agissements d'un super ordinateur  qui a quelques griefs contre ses occupants. Ils se déplacent cette fois dans un "vaisseau-restaurant-italien" qui fonctionne à l'aide des  interactions qui ont lieu dans la salle de restaurant avec toutes les incertitudes permises par les additions et les interactions entre les clients (robots et créatures variées).
L'imagination est toujours là, la loufoquerie aussi, mais je ne me suis encore pas lassé, j'ai lu cet épisode encore plus vite que les précédents.
Un tout petit bémol toutefois, il est absolument nécessaire  de goûter l'humour anglais pour apprécier et il se trouve que c'est mon cas.
Chapeau M. Douglas !
Chouette, il reste encore deux tomes !

Quelques citations :

D’après mon médecin, je souffre d’une malformation de la glande altruiste assortie d’une déficience de la fibre morale et en conséquence je suis dispensé de sauver les Univers.

Sur une note de restaurant, poursuivait Slartibartfast, le réel et l’irréel entrent en conflit à un niveau tellement fondamental que chacun vient prendre la place de l’autre et que tout devient possible dans les limites de certains paramètres.


mardi 24 juillet 2012

Le dernier restaurant avant la fin du monde - Adams Douglas

Le Guide Galactique Tome 2

Présentation de l'éditeur :

La cuisine anglaise est exécrable. Moins abominable, cependant, que la poésie des Vogons, un peuple fier, ombrageux, et éminemment irritable. D'ailleurs, les Vogons ont fait sauter la planète Terre, soi-disant par erreur. Pas de panique ! Grâce au fabuleux Guide du voyageur galactique, le pauvre Arthur Dent, ex-citoyen britannique désormais apatride et passablement désemparé devant tant d'inconvenance, pourra affronter sans crainte les improbables méandres d'un univers en folie. Rien ne l'empêchera, pas même un ascenseur dépressif, d'arriver à temps pour déguster le Plat du jour au Dernier Restaurant avant la Fin du Monde.

Mon avis : 
 
Nous retrouvons les personnages du "guide du routard galactique" à la recherche de l'homme qui dirige l'univers. Leur errance les emmènent à travers l'espace-temps, ce qui donne l'occasion à Adam Douglas de nous imaginer quelques hypothèses croustillantes pour répondre à quelques questions fondamentales. Mais  y aura-t-il LA réponse à LA question ? Dois-je le révéler ?
En fait, cela n'a pas d'importance, c'est vraiment l'imagination débordante de l'auteur qui est réjouissante. Ceci dit, je ne vous donnerai pas la réponse lisez le !
Plus j'avance dans cette série, plus je suis curieux de voir ce que donne le film qui en a été tiré … peut être après avoir terminé la série !


Quelques extraits :

lorsque les rédacteurs du Guide avaient été poursuivis par les familles de ceux qui étaient morts pour avoir pris à la lettre l’article sur la planète Tron (dont le libellé était : « Le Hanneton glouton de Tron fait le régal des touristes de passage » quand il fallait lire : « Le Hanneton glouton de Tron fait son régal des touristes de passage »), ils avaient argué que la première version de cette phrase leur paraissait esthétiquement plus plaisante, et cité donc en conséquence un poète qualifié pour qu’il vienne témoigner sous serment que la beauté était la vérité et la vérité la beauté, espérant par là même prouver qu’en l’espèce, le véritable coupable était la Vie elle-même, pour avoir failli à se montrer à la fois belle et vraie. Les juges soutinrent ce point de vue et, dans un poignant discours, accusèrent la Vie elle-même d’outrage à la Cour.

— Je venais tout juste de me matérialiser à la terrasse d’un de vos cafés à la suite d’une dispute avec le spectre de mon arrière-grand-père. À peine étais-je arrivé que mon ancien moi (celui-là même qui m’avait opéré le cerveau) jaillit sous mon crâne en disant : « Va voir Zarniwoop. »

Fort naturellement, bien des ascenseurs, devenus imbus de leur intelligence et de leur prescience, en venaient à ressentir quelque trouble frustration à passer stupidement leur temps à monter et descendre, monter et descendre et d’aucuns, après avoir caressé le fugace désir de glisser latéralement, en manière de révolte existentielle, exigeaient d’être partie prenante dans le processus de décision et finissaient par aller occuper les sous-sols. Pour y bouder.

Le Dernier Restaurant avant la Fin du Monde représente l’un des plus extraordinaires défis de toute l’histoire de la restauration. Il a été bâti sur les débris épars de… ou plutôt : il sera bâti sur les débris… enfin, c’est-à-dire qu’à cette époque, il aura été bâti… disons plutôt qu’il a été effectivement bâti.

Devenir son propre père ou mère ne soulève normalement pas de difficultés que ne puisse surmonter une famille équilibrée et large d’esprit. Changer le cours de l’histoire n’engendre pas non plus de problèmes particuliers : le cours de l’histoire demeure immuable parce qu’il se remet en place de lui-même comme un puzzle. Tous les changements importants se sont produits préalablement aux événements qu’ils sont censés changer et tout finit donc par s’arranger au bout du compte.

Les inconvénients engendrés par l’extraction de quantités de pâte collante et noire du sous-sol où elle reposait tranquillement sans gêner personne, aux seules fins de la convertir en goudron pour recouvrir le terrain, le convertir en fumée pour emplir l’air et finalement déverser le reste dans l’océan, semblaient de loin dépasser l’avantage de pouvoir se rendre plus rapidement d’un point à un autre, surtout lorsque (conséquence prévisible de cet état de choses) votre point d’arrivée était devenu fort semblable à celui de départ, c’est-à-dire : recouvert de goudron, rempli de fumée, et cruellement dépourvu de poisson. Et les faisceaux de transfert de matière, dans tout ça ? Avec un moyen de transport exigeant de vous démonter atome par atome pour les propulser à travers le sub-éther avant de les recoller ensemble alors qu’ils viennent tout juste d’avoir leur premier avant-goût de la liberté depuis des lustres, on ne pouvait que s’attendre au pire.

En résumé, il est un fait patent, que ceux-là mêmes qui ont le plus envie de gouverner les gens sont, ipso facto, les moins aptes à le faire. Pour résumer le résumé : quiconque est capable de parvenir à se faire élire président ne devrait à aucun prix être laissé libre d’exercer cette fonction. Pour résumer le résumé du résumé : les gens sont un vrai souci.

Cherchant une fois encore à refermer la mâchoire, le cerveau perdit les commandes de la main gauche qui se mit dès lors à divaguer sans but. L’espace d’une seconde, le cerveau essaya de rattraper la main gauche sans pour autant abandonner la bouche tout en essayant simultanément de réfléchir à ce qui était enseveli dans la glace – raison sans doute pour laquelle les jambes se dérobèrent sous Arthur qui s’effondra donc paisiblement sur le sol.