Rentré aux
États-Unis au milieu des années 1990 après avoir longtemps vécu en Angleterre,
le désopilant Bill Bryson nous avait raconté les péripéties de son quotidien
dans American Rigolos (Payot, 2001). Outre observer la faune de ses
concitoyens, il a voulu redécouvrir aussi son pays par un retour à la nature.
Alors il s’est courageusement attaqué à l’Appalachian Trail, un sentier qui
serpente à travers les montagnes sur 3 500 kilomètres, du Maine à la Géorgie.
Pour compagnon dans
des paysages autrement plus tourmentés que son Iowa natal, Bill s’est choisi
son vieux copain d’école, Stephen Katz, qu’il nous avait présenté dans Ma
fabuleuse enfance dans l’Amérique des années 1950 (Payot, 2009). Le problème,
c’est que Katz n’aime rien tant que regarder la série X-Files dans les motels.
L’autre problème, c’est qu’en se promenant dans les bois on risque, comme dans
la série, de croiser de drôles de créatures qui n’ont pas l’humour de l’auteur
– des ours ou, pis, des randonneurs, sans oublier les petites plantes toxiques
qui vous rendent plus vert qu’un Martien.
La littérature de
voyage à la Bryson a pour immense avantage de ne pas endormir le lecteur en
chemin. « Jamais un bouquin ne m’a fait autant rire ! » s’est exclamé Robert
Redford après en avoir acquis les droits cinématographiques pour devenir Bill à
l’écran aux côtés de Katz, alias Paul Newman. Le décès de ce dernier a repoussé
le projet, mais Redford a récemment déclaré ne pas y avoir renoncé…
Mon avis :
Vous aimez marcher
dans la nature, mais vous n'osez pas vous lancer ? Ce livre est fait pour vous,
bon, pour les autres aussi, car si l'épine dorsale du récit est le sentier des
Appalaches, c'est aussi un livre plein d'humour, d’auto-dérision, d'anecdotes
sur la nature, d'Histoire. On y apprend beaucoup avec plaisir.
Nos deux randonneurs
partis sans entrainement sur un sentier difficile vont réaliser une bonne
partie de leur projet malgré des conditions qui pourraient sembler réellement
risquées à un randonneur aguerri . Le récit fourmille d'anecdotes et sait
s'égarer sur des chemins de traverses qui rendent la lecture moins monotone et
donne envie de reprendre ses chaussures de marche pour un tour dans la nature.
Le style est léger, on se sent très vite
emporté et on y revient sans difficulté tant qu'il n'est pas terminé.
Quelques extraits :
À un certain moment,
vous atteignez une hauteur dépassant le faîte des plus hauts arbres et se
détachant sur un ciel clair ; alors votre esprit chancelant s’agite : « Voilà,
nous y sommes ! », mais ce n’est qu’une misérable déception. Ce sommet
illusoire s’éloigne continuellement, peu importe la distance que vous
franchissez, de sorte que chaque fois que la voûte du feuillage s’ouvre pour
vous permettre de voir au loin, vous vous apercevez que les cimes des arbres
sont aussi éloignées et inaccessibles qu’auparavant. Vous continuez encore en
titubant. Que pouvez-vous faire d’autre ?
Elle m’apporta un
immense et visqueux morceau de tarte au citron d’un jaune canari. C’était un
monument à la gloire de la technologie alimentaire : assez jaune pour vous
donner un mal de tête, assez sucré pour vous faire virer les yeux à l’envers,
pour tout dire, tout ce que vous pouvez attendre d’une tarte tant que le goût
et la saveur ne font pas partie de vos exigences.
La notion de
distance change totalement lorsque vous traversez le monde à pied : 1 km
devient une grande distance, 2 km une distance considérable, 20 km une
aventure, 100 km une distance hors de toute perception. Vous réalisez que le
monde est gigantesque dans une perspective que seul vous, et une petite
communauté d’amis randonneurs, connaissez. L’échelle planétaire est votre petit
secret. La vie prend aussi un air de grande simplicité. Le temps cesse d’avoir
toute signification.
C’était vraiment
ainsi aujourd’hui. Les mêmes groupes de personnes en forme de poire et portant
des Reeboks, déambulent à travers les odeurs de nourriture, tenant à pleine
main des aliments grotesques et des breuvages servis dans des gobelets géants.
Et maintenant,
l’État songe à rétablir l’ancienne loi, prouvant hors de tout doute que le
principal danger qui guette les gens du Tennessee n’est pas tant le fait qu’ils
puissent descendre du singe, mais qu’ils puissent plutôt être dépassés par eux.
Je ne peux pas expliquer tout à fait pourquoi, mais soudainement, ressentant un
besoin urgent de ne pas rester plus longtemps dans ce Sud profond
C'est toujours comme
si c’était la première fois. À la fin du 1er jour, on est très conscient d’être
malpropre. Le 2e jour, on se sent répugnant. Au 3e, on cesse d’y faire
attention. Au 4e, on ne se souvient plus comment on était avant. La faim suit
aussi un pareil schéma.
L'article citait
aussi plusieurs autres personnes qui s’étaient égarées en utilisant leur GPS.
Elles pouvaient établir leurs positions, comme 17,48 Ouest, mais elles
n’avaient malheureusement pas la moindre idée de ce que cela pouvait signifier
étant donné qu’elles n’avaient pas emporté ni cartes, ni boussole, ni de
cervelles bien évidemment.
Je ne m'attendais pas à ce genre d'écriture !
RépondreSupprimerC'est un genre de H2G2, un peu moins déjanté quand même, et qui se passe sur Terre ? ;)