mardi 28 août 2012

La grammaire est une chanson douce - Erik Orsenna

Présentation de l'éditeur :


Jeanne, la narratrice, pourrait être la petite soeur d'Alice, précipitée dans un monde où les repères familiers sont bouleversés. Avec son frère aîné, Thomas, elle voyage beaucoup. Un jour leur bateau fait naufrage et, seuls rescapés, ils échouent miraculeusement sur une île inconnue. Mais la tempête les avait tant secoués qu'elle les avait vidés de leurs mots, privés de parole. Accueillis par Monsieur Henri, un musicien poète et charmeur, ils découvriront un territoire magique où les mots mènent leur vie : ils se déguisent, se maquillent, se marient.


Mon avis :

Un adorable petit livre sur la langue, ses mots et leur agencement. Erik Orsenna nous conte notre langue, mais cela pourrait très facilement être transposé à une autre langue.
Il lance au passage  quelques piques à un enseignement exagérément rigoriste et trop éloigné de l'univers des enfants tout en suggérant un regard sur les mots et la façon de les agencer. Une bien jolie chanson douce que cette grammaire ! A partager sans compter. D'aucuns diront que l'histoire est un peu simplette. Toute simple, oui, mais très agréable et enchanteresse. 
Comment ça vous avez deviné que j'étais maitre d'école ?
A lire et relire absolument. 
Merci à la Babelienne qui m'a donné envie de le redécouvrir.

lundi 27 août 2012

La liseuse - Paul Fournel





Présentation de l'éditeur :


La stagiaire entre dans le bureau de Robert Dubois, l'éditeur, et lui tend une tablette électronique, une liseuse. Il la regarde, il la soupèse, l'allume et sa vie bascule. Pour la première fois depuis Gutenberg, le texte et le papier se séparent et c'est comme si son cœur se fendait en deux.


Mon avis : 

Un éditeur, au terme de  sa carrière, confronté aux financiers qui tentent de lui imposer une gestion de l'entreprise qui ne lui plait guère, se voit imposer une tablette électronique  (d'où le titre impropre à l'objet prétexte du livre mais parfait pour ce roman). Cela déclenche chez lui une certaine lassitude et l'idée de jouer un tour à ceux qui aimeraient bien qu'il laisse sa place dans la maison. Il utilisera les compétences de jeunes stagiaires à cette fin.
Comme je le disais plus haut, la liseuse n'est qu'un prétexte , pour amener une histoire de revanche jouissive et nous permettre de pénétrer dans les coulisses d'une maison d'édition avec ses méthodes, ses querelles, ses relations humaines parfois particulières. L'écriture est légère, pleine d'humour, j'ai beaucoup ri, et pourtant l'arrière plan reste une fin de carrière et même une fin de vie.
J'ai eu la surprise dans la postface de voir que l'auteur semblait s'être livré en plus à un exercice de style très particulier avec la structure de ce roman. Les spécialistes apprécieront sans doute.
En tous cas, un très bon roman qui se lit très facilement.

Quelques extraits :

Celui qui est sous ma joue est un manuscrit d’amour : c’est l’histoire d’un mec qui rencontre une fille mais il est marié et elle a un copain… J’en ai lu sept pages et je le connais déjà par cœur. Rien ne pourra me surprendre. Depuis des lunes, je ne lis plus, je relis. La même vieille bouillie dont on fait des « nouveautés », des saisons, des rentrées « littéraires », des succès, des bides, des bides.

Elle disparaît d’un tour de fesses, tire la porte sur elle avec douceur et je me retrouve à câliner ma liseuse. Elle est noire, elle est froide, elle est hostile, elle ne m’aime pas. Aucun bouton ne protrude au-dehors, aucune poignée pour la mieux tenir, pour la balancer à bout de bras comme un cartable mince, que du high-tech luxe, chic comme un Suédois brun. Du noir mat, du noir glauque (au choix), du lisse, du doux, du vitré, du pas lourd. Je soupèse.

Je veux rester encore une minute, couché sur le bureau, juste une minute, le nez dans le manuscrit pour le renifler une dernière fois, tant il est vrai qu’une page bien sentie est une page déjà lue.

L’artichaut est un légume de solitude, difficile à manger en face de quelqu’un, divin lorsqu’on est seul. Un légume méditatif, réservé aux bricoleurs et aux gourmets. D’abord du dur, du charnu, puis, peu à peu, du plus mou, du plus fin, du moins vert. Un subtil dégradé jusqu’au beige du foin qu’un dernier chapeau pointu de feuilles violettes dévoile. La vinaigrette qui renouvelle son goût au fil des changements de texture. Un parcours que l’on rythme à sa guise. Rien ne presse dans l’artichaut. On peut sucer une feuille pendant plusieurs minutes, jusqu’à l’amertume, on peut, au contraire, racler des incisives la chair de plusieurs feuilles à la suite pour se donner une bouchée consistante. La seule figure interdite est celle de l’empiffrement. Un légume qui a ses règles d’élégance. Puis vient le moment distrayant de l’arrachage. Saisi entre pouce et couteau, le foin cède en petites touffes nettes, libérant le cœur de toute sa toison en une sorte de saisissant raccourci amoureux. Enfin arrive le moment de la récompense : à la fourchette et au couteau on peut entrer dans le cœur du légume, priant le jardinier de n’y avoir laissé aucun arrière-goût de farine.

– Tu vois, petit con, lui dit-elle, c’est facile de dire non en trois secondes à un auteur, facile de se moquer même de son travail, mais il faut que tu saches comme c’est long et comme c’est emmerdant de faire un livre. Même un mauvais. Surtout un mauvais.

Nous avons vidé les livres de ce qu’il y avait dedans pour en vendre davantage et nous n’en vendons plus. Tout est de notre faute.

Je ferme les écoutilles. Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit, je lis. Coover est un écrivain difficile, il faut se glisser dans son armure, ce qui occasionne quelques ampoules et quelques gênes aux entournures et puis ensuite, c’est le grand confort inconfortable d’une vraie lecture.

– Les autres feront pareil ou feront comme avant. Il y aura toujours du papier, toujours de l’écran. Les pages ne se tournent pas d’un coup sec.

Ces règles claires et magnifiquement contournables, servent à se rassurer au moment de dire « j’aime » ou « je n’aime pas » et à conjurer les vingt autres règles obscures au nom desquelles on choisit vraiment. Ces raisons troubles, faites de goûts, d’affinités, de culture : les raisons de la ressemblance  avec ce qu’on aime, les raisons de la différence, les raisons de la colère, les raisons de fidélité à son adolescence, à ses maîtres, sans oublier les raisons de l’amitié et de l’amour, qui sont de bonnes raisons d’éditer. Le talent se reconnaissant aussi dans les baisers.

On dirait qu’elle a perpétuellement froid. Elle picore une tranche de concombre posée sur une petite éponge beurrée qui va me coûter cinquante livres, et je sais qu’elle est heureuse de regarder les vieilles anglaises qui se piquent le nez au porto en mangeant des gâteaux à la crème. C’est son péché.

Par esprit de farce et de solidarité, j’ai pris chez mon boulanger des petits pains aux céréales ronds et je vais présenter les steaks dedans à la façon des « biftecks à la mode de Hambourg », comme on écrivait dans les premières traductions de polars américains chaque fois qu’un « hamburger » tombait sous la plume des traducteurs.

Je suis enfin derrière une muraille de livres. Chaque jour je me suis dit : « Il faut que tu lises ça. » « Si j’avais le temps je lirais ça. » « Quand je pense que je n’ai toujours pas lu ça. » « Ils ont de la chance, ceux qui peuvent lire en liberté. » « Si seulement j’avais lu ça, je serais un bien meilleur lecteur… »

Lorsque j’aurai terminé la lecture du dernier mot de la dernière phrase du dernier livre, je tournerai la dernière page et je déciderai seul si la vie devant moi vaut encore la peine d’être lue.

lundi 20 août 2012

Samarcande - Amin Maalouf

Présentation de l'éditeur : 


Samarcande, c'est la Perse d'Omar Khayyam, poète du vin, libre-penseur, astronome de génie, mais aussi celle de Hassan Sabbah, fondateur de l'ordre des Assassins, la secte la plus redoutable de l'Histoire. Samarcande, c'est l'Orient du XIXe siècle et du début du XXe, le voyage dans un univers où les rêves de liberté ont toujours su défier les fanatismes. Samarcande, c'est l'aventure d'un manuscrit qui, né au XIe siècle, égaré lors des invasions mongoles, est retrouvé des siècles plus tard.
Amin Maalouf, l'auteur de Léon l'Africain, nous conduit sur la route de la soie à travers les plus envoûtantes cités d'Asie et nous ravit par son extraordinaire talent de conteur. Samarcande a obtenu le Prix des Maisons de la Presse 1988.

Mon Avis : 

Samarcande  c' est une ville d'Ouzbékistan, à la limite des mondes turcs et persans. Le poète persan Omar Khayyam, scientifique et poète y a vécu une partie de sa vie.  Dans la première partie de son livre, Amin Maalouf nous fait découvrir la vie de ce poète et l'origine de la création d'un volume mythique de poèmes que Omar a rédigé tout au long de sa vie. On y découvre aussi l'histoire mouvementée de cette contrée au XIe  siècle.
Dans la seconde partie c'est la redécouverte de ce manuscrit de la fin du XIXe au début du XX e siècle avec de la même façon l'histoire extrêmement troublée de toute la région.
L'écriture d'Amin Maalouf est toute en délicatesse et en poésie, il sait nous faire découvrir l'âme des personnages de son livre et nous promener dans l'histoire d'une région qui ne nous est en général pas très familière. Et si l'on se prend à réfléchir aux similitudes dans les troubles politiques entre les deux périodes décrites dans ce livre et notre époque qui est toujours aussi mouvementée dans toute cette région, on se dit que la poésie est réellement plus que nécessaire pour tenter d'aider les hommes à surmonter ces épreuves. Pour moi, ce livre y participe car au delà de l'histoire, l'auteur arrive à nous emmener dans une réflexion assez fine sur les hommes, leurs cultures et leur soif de pouvoir. 
Un très beau livre que je relirai à coup sur.

Quelques extraits : 

Le regard qu’Omar recueille, aspire, voudrait retenir. Instant indétectable pour la foule, éternité pour l’amant. Le temps a deux visages, se dit Khayyam, il a deux dimensions, la longueur est au rythme du soleil, l’épaisseur au rythme des passions.

La vie de cour n’est pas pour moi ; mon seul rêve, ma seule ambition est d’avoir un jour un observatoire, avec un jardin de roses, et de contempler éperdument le ciel, une coupe à la main, une belle femme a mes côtés.

Khayyam l’entoure d’un bras attendri. Il soupire :  — Si au moins nous avions le loisir de nous expliquer, je sais que cette stupide querelle serait balayée, mais le temps nous harcèle, il nous somme de jouer notre avenir sur ces minutes embrouillées.

« Le ravissement de ta mère ne fut pas mieux caché que le mien, nous étions sûrs l’un et l’autre que nos lignes de vie venaient de se rejoindre, à aucun moment nous n’avons pensé qu’il pouvait s’agir d’une banale coïncidence de lecture. Omar nous est apparu dans l’instant comme un mot de passe du destin, l’ignorer eût été quasiment sacrilège. Bien entendu, nous n’avons rien dit de ce qui s’agitait en nous, la conversation tourna autour des poèmes. Elle m’apprit que Napoléon III en personne avait ordonné la publication de l’ouvrage. »

Cette fois, son regard était au loin, elle m’offrait son profil à contempler, sa peau hâlée d’un grain si pur. La douceur aurait-elle un teint, ce serait le sien ; le mystère aurait-il une lueur, ce serait la sienne. J’en avais les joues moites, les mains froides. Le bonheur battait mes tempes. Dieu, qu’elle était belle, ma première image de l’Orient

Je ne redoutais pas ma déception quotidienne, je la vivais comme un hommage aux rêves qui me hantaient.






dimanche 19 août 2012

A lire: La formule papier + epub par François Bon


Pour changer un peu,  un article passionnant de François Bon lu ce matin.


Dans le débat  permanent et souvent houleux que les amateurs de littérature ont entre lecture sur papier et lecture numérique, François Bon et son équipe apportent non seulement des arguments mais des réalisations très concrètes.
A l'occasion du lancement de publie.papier le 20 aout 2012, il nous offre sur son blog le tiers livre un excellent article fait, bien sur,  pour présenter la nouvelle offre mais aussi dans lequel ce débat papier contre numérique est traité en profondeur avec la clarté et la passion de François Bon.

A lire absolument quelle que soit votre position sur la lecture et le numérique.

Sur le Tiers livre : la formule papier+epub et pourquoi on y croit 

En plus : le site de publie.net et le site publie.papier

mardi 14 août 2012

Bartleby le scribe - Herman Melville

Présentation de l'éditeur :


“Je préférerais ne pas” : telle est la réponse, invariable et d’une douceur irrévocable qu’oppose Bartleby, modeste commis aux écritures dans un cabinet de Wall Street, à toute demande qui lui est faite. Cette résistance absolue, incompréhensible pour les autres, le conduira peu à peu à l’isolement le plus total. Bartleby, s’il n’a pas l’ampleur de Moby Dick et Pierre ou les ambigüités compte pourtant parmi les écrits les plus importants d’Herman Melville (1819-1891). Les thèmes existentiels de ses romans d’aventures y sont transposés, avec une tension comparable, dans la simple histoire de la vie d’un employé. Ce texte bref, mais aux significations inépuisables, a exercé une fascination durable sur des écrivains et philosophes comme Maurice Blanchot, Georges Bataille, Michel Foucault ou Gilles Deleuze. L’un des mérites de cette nouvelle traduction est de faire ressortir une qualité du texte quelque peu occultée : son humour. 

Mon avis : 

Un livre très court, grinçant. Dans un bureau, au dix neuvième  siècle, le patron décrit ses employés d'une façon assez sarcastique, il embauche ensuite Bartleby qui  s'il commence par faire son travail de façon irréprochable se met à refuser certaines taches puis tout travail. 
Melville décrit la stupéfaction puis l'embarras du patron devant cette situation, voguant entre colère et pitié, en particulier quand il s'aperçoit que Bartleby vit dans le bureau. On suit l'embarras du patron et la tension qui monte peu à peu jusqu'à la triste chute finale.
C'est un texte superbement bien écrit avec un humour grinçant et qui, cela ne gâte rien,  donne à réfléchir. Melville arrive  à nous mettre à la place du patron, On fini par ressentir les humeurs  qu'il décrit . De la grande littérature dans un format très court.

mercredi 8 août 2012

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates - Mary Ann Shaffer - Annie Barrows

Présentation de l'éditeur :


Janvier 1946. Londres se relève douloureusement des drames de la Seconde Guerre mondiale et Juliet, jeune écrivaine anglaise, est à la recherche du sujet de son prochain roman. Comment pourrait-elle imaginer que la lettre d'un inconnu, un natif de l'île de Guernesey, va le lui fournir ? Au fil de ses échanges avec son nouveau correspondant, Juliet pénètre son monde et celui de ses amis - un monde insoupçonné, délicieusement excentrique. Celui d'un club de lecture créé pendant la guerre pour échapper aux foudres d'une patrouille allemande un soir où, bravant le couvre-feu, ses membres venaient de déguster un cochon grillé (et une tourte aux épluchures de patates...) délices bien évidemment strictement prohibés par l'occupant. Jamais à court d'imagination, le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates déborde de charme, de drôlerie, de tendresse, d'humanité Juliet est conquise. Peu à peu, elle élargit sa correspondance avec plusieurs membres du Cercle et même d'autres habitants de Guernesey , découvrant l'histoire de l'île, les goûts (littéraires et autres) de chacun, l'impact de l'Occupation allemande sur leurs vies... Jusqu'au jour où elle comprend qu'elle tient avec le Cercle le sujet de son prochain roman. Alors elle répond à l'invitation chaleureuse de ses nouveaux amis et se rend à Guernesey. Ce qu'elle va trouver là-bas changera sa vie à jamais.

Mon avis :

Un délicieux roman épistolaire qui nous emmène à la fin de la guerre dans un Londres pas encore relevé de ses destructions. Juliet qui est à la recherche d'un nouveau sujet pour continuer son œuvre de romancière débute une correspondance avec des habitants de Guernesey qui avaient créés un cercle littéraire pendant l'occupation de leur ile. 
C'est cette correspondance qui va entrainer Juliet dans une aventure qu'elle n'attendait pas du tout. 
Tout le roman est construit autour des échanges de courriers entre Juliet et les personnages de l'histoire. Si ces personnages sont nombreux, à aucun moment on ne se perd dans cette correspondance. 
Le style est délicieux et je regrette vraiment que ce soit le seul roman que Mary Ann Shaffer ait écrit, je me serai jeté sur les suivants à coup sur. Merci à Annie Barrows, sa nièce, de lui avoir permis de terminer ce petit bijou.

Quelques extraits :

J'adore faire les librairies et rencontrer les libraires. C’est vraiment une espèce à part. Aucun être doué de raison ne deviendrait vendeur en librairie pour l’argent, et aucun commerçant doué de raison ne voudrait en posséder une, la marge de profit est trop faible. Il ne reste donc plus que l’amour des lecteurs et de la lecture pour les y pousser. Et l’idée d’avoir la primeur des nouveaux livres.

J’ai surpris votre coursier en flagrant délit de dépôt d’œillets roses sur mon palier. Je l’ai saisi par le col et je l’ai menacé jusqu’à ce qu’il me révèle votre adresse. Vous, voyez, Mr. Reynolds, vous n’êtes pas le seul à user de la tactique de l’intimidation sur d’innocents employés. J’espère que vous ne le renverrez pas, il a l’air d’un gentil garçon, il n’a guère eu le choix ; je l’ai menacé de La Recherche du temps perdu.

J’aimerais aussi trouver des récits de voyage ou des livres sur l’histoire des îles Anglo-Normandes. Est-il exact que, par une journée claire, on peut apercevoir les automobiles rouler le long des côtes françaises ? C’est ce que prétend mon encyclopédie, mais je l’ai achetée d’occasion et je ne m’y fie guère.

Ma voisine, Evangeline Smythe, va accoucher de jumeaux en juin. Comme elle ne semble pas transportée de joie à cette idée, je vais lui demander de m’en donner un.

Avez-vous remarqué que, lorsque votre esprit est focalisé sur une personne, sa présence se manifeste partout où vous allez ? Mon amie Sophie appelle cela des coïncidences et le pasteur Simpless, la grâce. Il pense que quand on aime profondément une personne ou une chose, on projette une énergie à travers le monde qui lui apporte « la fécondité ».

Je suppose que j’ai un prétendant, mais je ne suis pas encore très habituée à lui. Il est terriblement charmeur et me comble de repas succulents, et, pourtant, je me dis parfois que je m’accommode mieux des prétendants des livres que je lis que de ceux que j’ai devant moi. Comme ce serait lâche et pervers de ma part si c’était vrai.

mardi 7 août 2012

Promenons nous dans les bois - Bill Bryson

Présentation de l'éditeur :


Rentré aux États-Unis au milieu des années 1990 après avoir longtemps vécu en Angleterre, le désopilant Bill Bryson nous avait raconté les péripéties de son quotidien dans American Rigolos (Payot, 2001). Outre observer la faune de ses concitoyens, il a voulu redécouvrir aussi son pays par un retour à la nature. Alors il s’est courageusement attaqué à l’Appalachian Trail, un sentier qui serpente à travers les montagnes sur 3 500 kilomètres, du Maine à la Géorgie.
Pour compagnon dans des paysages autrement plus tourmentés que son Iowa natal, Bill s’est choisi son vieux copain d’école, Stephen Katz, qu’il nous avait présenté dans Ma fabuleuse enfance dans l’Amérique des années 1950 (Payot, 2009). Le problème, c’est que Katz n’aime rien tant que regarder la série X-Files dans les motels. L’autre problème, c’est qu’en se promenant dans les bois on risque, comme dans la série, de croiser de drôles de créatures qui n’ont pas l’humour de l’auteur – des ours ou, pis, des randonneurs, sans oublier les petites plantes toxiques qui vous rendent plus vert qu’un Martien.
La littérature de voyage à la Bryson a pour immense avantage de ne pas endormir le lecteur en chemin.    « Jamais un bouquin ne m’a fait autant rire ! » s’est exclamé Robert Redford après en avoir acquis les droits cinématographiques pour devenir Bill à l’écran aux côtés de Katz, alias Paul Newman. Le décès de ce dernier a repoussé le projet, mais Redford a récemment déclaré ne pas y avoir renoncé…

Mon avis :
  
Vous aimez marcher dans la nature, mais vous n'osez pas vous lancer ? Ce livre est fait pour vous, bon, pour les autres aussi, car si l'épine dorsale du récit est le sentier des Appalaches, c'est aussi un livre plein d'humour, d’auto-dérision, d'anecdotes sur la nature, d'Histoire. On y apprend beaucoup avec plaisir.
Nos deux randonneurs partis sans entrainement sur un sentier difficile vont réaliser une bonne partie de leur projet malgré des conditions qui pourraient sembler réellement risquées à un randonneur aguerri . Le récit fourmille d'anecdotes et sait s'égarer sur des chemins de traverses qui rendent la lecture moins monotone et donne envie de reprendre ses chaussures de marche pour un tour dans la nature.
 Le style est léger, on se sent très vite emporté et on y revient sans difficulté tant qu'il n'est pas terminé.

Quelques extraits :

À un certain moment, vous atteignez une hauteur dépassant le faîte des plus hauts arbres et se détachant sur un ciel clair ; alors votre esprit chancelant s’agite : « Voilà, nous y sommes ! », mais ce n’est qu’une misérable déception. Ce sommet illusoire s’éloigne continuellement, peu importe la distance que vous franchissez, de sorte que chaque fois que la voûte du feuillage s’ouvre pour vous permettre de voir au loin, vous vous apercevez que les cimes des arbres sont aussi éloignées et inaccessibles qu’auparavant. Vous continuez encore en titubant. Que pouvez-vous faire d’autre ?

Elle m’apporta un immense et visqueux morceau de tarte au citron d’un jaune canari. C’était un monument à la gloire de la technologie alimentaire : assez jaune pour vous donner un mal de tête, assez sucré pour vous faire virer les yeux à l’envers, pour tout dire, tout ce que vous pouvez attendre d’une tarte tant que le goût et la saveur ne font pas partie de vos exigences.

La notion de distance change totalement lorsque vous traversez le monde à pied : 1 km devient une grande distance, 2 km une distance considérable, 20 km une aventure, 100 km une distance hors de toute perception. Vous réalisez que le monde est gigantesque dans une perspective que seul vous, et une petite communauté d’amis randonneurs, connaissez. L’échelle planétaire est votre petit secret. La vie prend aussi un air de grande simplicité. Le temps cesse d’avoir toute signification.

C’était vraiment ainsi aujourd’hui. Les mêmes groupes de personnes en forme de poire et portant des Reeboks, déambulent à travers les odeurs de nourriture, tenant à pleine main des aliments grotesques et des breuvages servis dans des gobelets géants.

Et maintenant, l’État songe à rétablir l’ancienne loi, prouvant hors de tout doute que le principal danger qui guette les gens du Tennessee n’est pas tant le fait qu’ils puissent descendre du singe, mais qu’ils puissent plutôt être dépassés par eux. Je ne peux pas expliquer tout à fait pourquoi, mais soudainement, ressentant un besoin urgent de ne pas rester plus longtemps dans ce Sud profond

C'est toujours comme si c’était la première fois. À la fin du 1er jour, on est très conscient d’être malpropre. Le 2e jour, on se sent répugnant. Au 3e, on cesse d’y faire attention. Au 4e, on ne se souvient plus comment on était avant. La faim suit aussi un pareil schéma.

L'article citait aussi plusieurs autres personnes qui s’étaient égarées en utilisant leur GPS. Elles pouvaient établir leurs positions, comme 17,48 Ouest, mais elles n’avaient malheureusement pas la moindre idée de ce que cela pouvait signifier étant donné qu’elles n’avaient pas emporté ni cartes, ni boussole, ni de cervelles bien évidemment.