samedi 13 octobre 2012

Avenue des géants - Marc Dugain

Présentation de l'éditeur :

Al Kenner serait un adolescent ordinaire s'il ne mesurait pas près de 2,20 mètres et si son QI n'était pas supérieur à celui d'Einstein. Sa vie bascule par hasard le jour de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Plus jamais il ne sera le même. Désormais, il entre en lutte contre ses mauvaises pensées. Observateur intransigeant d'une époque qui lui échappe, il mène seul un combat désespéré contre le mal qui l'habite. Inspiré d'un personnage réel, Avenue des Géants, récit du cheminement intérieur d'un tueur hors du commun, est aussi un hymne à la route, aux grands espaces, aux mouvements hippies, dans cette société américaine des années 60 en plein bouleversement, où le pacifisme s'illusionne dans les décombres de la guerre du Vietnam.

Mon avis :

Je n'avais pas lu la quatrième de couverture avant d'avoir lu le livre. Heureusement car je ne l'aurai sans doute pas attaqué, les histoires de tueurs en série me repoussent. Le début du livre m'a semblé très étrange mais si bien écrit qu'il m'a entrainé quasiment d'une traite vers la fin.
C'est donc l'histoire vraie d'un tueur en série que nous conte Marc Dugain.  Il nous entraine dans le monde de Al Kenner avec la construction progressive d'une analyse de sa personnalité extrêmement bien menée, on suit sa vie sans se douter à aucun moment de ce qui va se passer.
C'est une des qualités de ce livre, si on n'a pas lu la quatrième de couverture, on ne comprend que tout à la fin que l'on a affaire à un véritable tueur en série d'une intelligence diabolique. Marc Dugain, arrive avec délicatesse à juste suggérer l'insoutenable tout à la fin du livre. Chapeau, il aurait vraiment été dommage de ne pas le lire.

Quelques citations :


 — Vous pouvez leur annoncer le chiffre. 3952 livres de 71 à aujourd’hui. Et si vous voulez les faire rire, dites-leur que je n’en avais lu qu’un seul entre ma naissance en 48 et 1971. Je l’ai lu trois fois. Devinez lequel ? Elle répond : — La Bible. — Non, Crime et châtiment. Un sacré bon livre, vraiment. Je ne crois pas qu’on en ait écrit de meilleur.

Je voyais qu’elle se méfiait de moi depuis ma colère. La conversation s’est éteinte comme un vieux feu de camp, les gens n’ont pas tant de choses à se dire. Si elle s’étend, c’est que les alcooliques ont pris le relais.

La nature ne connaît ni le silence ni le bruit. Ce n’est pas comme en ville, ce qu’on entend va toujours dans votre sens, celui de votre apaisement, pour peu que vous ayez confiance dans la vie sauvage.

C’est souvent comme ça dans ce pays. Les gens recherchent la solitude on ne sait trop pourquoi et ils la font payer au premier pékin qui se présente en lui tenant le crachoir des heures.

Je ne l’ai jamais vue ni joyeuse ni triste et, même quand elle est méchante, on sent qu’elle se force, que ce n’est pas naturel. La gentillesse lui demande trop d’efforts d’imagination, elle ne saisit pas le concept.

Pourquoi les gens écrivent-ils ? Souvent parce qu’une sourde vanité les rend fiers de leurs malheurs et qu’ils veulent les partager avec le reste de l’humanité parce que, au fond, ils sont trop lourds pour eux. Je crois aussi que beaucoup de gens écrivent parce qu’ils ne trouvent aucun réconfort auprès de leur famille. C ’est même pire, c’est souvent leur famille qui est à l’origine de leurs déboires. Avoir des lecteurs leur donne le sentiment d’être moins seuls sans l’inconvénient d’une promiscuité assommante avec des gens bien intentionnés. Souvent aussi, ils écrivent pour laisser une trace.

J’ai compris alors que nommer quelque chose permettait de le désamorcer en partie. En levant l’interdiction d’en parler, ses essences s’évaporaient doucement, un peu comme un parfum laissé ouvert.

À part quelques auteurs purement cérébraux, il faut un peu de sensibilité pour profiter d’un écrivain.

On n’a jamais entendu cri plus déchirant que celui d’un nouveau-né de l’espèce humaine. La mort est dans une proximité effrayante, bien plus que chez n’importe quelle espèce animale où le nouveau-né trouve une relative autonomie en quelques heures. L’enfant crie sa faiblesse, son absolue précarité

Le seul tort d’Orwell c’était de croire que le totalitarisme prendrait un visage terrifiant. Oh non ! Rien de tout cela, pour autant que vous acceptiez la petite musique mièvre des réseaux sociaux, que vous acceptiez l’obsolescence de tout ce que vous achetez au bout d’un an, que Sisyphe n’ait pour tout repos que la période des soldes, que Google sache tout de vous et puisse  éventuellement le monnayer aux flics, qu’on puisse vous localiser à tout instant avec votre téléphone, vous ne risquez rien.

J’ai entrepris d’écrire mes Mémoires et je sais qu’il y manquera toujours ce qui, masqué ou pas, fait la saveur d’un livre : l’empathie.

Un voilier se découpait sur l’horizon, une prison flottante, l’enfermement des mers dans l’illusion de la liberté absolue.

Mon père disait : « Le blues c’est l’âme qui s’égoutte », et je comprenais pour la première fois le sens de sa phrase. J’étais donc, contrairement à ce que prétendait ma mère, capable d’une forme d’empathie pour les autres.

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