dimanche 22 juillet 2012

Rues secrètes - Pierre mac Orlan

Présentation de l'éditeur :


Chantre de la bohème Montmartroise, Pierre Mac Orlan fut aussi un des maîtres du roman d'aventures. Son œuvre participe de ce qu'on a pu appeler la " découverte poétique du monde ". Avec Rues secrètes, c'est à un voyage littéraire que nous sommes conviés. Ce reportage au sens le plus noble du terme nous conduit dans les " quartiers réservés " de plusieurs grandes villes - notamment d'Afrique du Nord - au milieu des années 1930 : Tunis, Alger, Casablanca, mais aussi Barcelone, Strasbourg et Berlin. Prostituées mélancoliques, légionnaires tendres ou assassins, petits Blancs furtifs, princes ou voyous en quête de plaisir et d'argent, proxénètes, indics et policiers, mille personnages traversent ce chef-d'œuvre du pittoresque social, tous ennoblis par la tendresse attentive du regard de Mac Orlan. 

Mon avis :

Pierre Mac Orlan endosse dans ce livre son habit de journaliste pour s'engager dans une description des "quartiers réservés". Nous sommes au début des années 1930.
Le livre est découpé en diverses villes (Tunis, Casablanca, Alger, Barcelone, Berlin , Marseille et Strasbourg) qu'il regarde au travers des quartiers où s'exerce la prostitution.
Autant les villes d'Afrique du nord sont traitées avec un certain exotisme et un certain paternalisme  (c'est pourquoi, il me semble important de rappeler que ce livre est écrit au début des années 1930 pour éviter les anachronismes), autant on voit apparaître pour les villes plus européennes, d'autres angles pour le regard, comme le banditisme, la misère  où encore le puritanisme ambiant.
Dans le Berlin de ces années là , Pierre Mac Orlan montre la misère et l'arrivée du nazisme et je me suis surpris à trouver une certaine concordance des temps avec les montées spectaculaire de l'extrême droite dans des pays en forte crise à l'heure actuelle. A Marseille, c'est le lien avec le banditisme. A Barcelone, c'est plutôt l'observation des mœurs des autorités qui font disparaître les cotés peu reluisants de la ville à l'occasion de l'exposition universelle. Et enfin,  à Strasbourg, il nous livre une analyse des conséquences que pourrait avoir le puritanisme et la fermeture des maisons closes pour la santé publique, finalement des sujets que l'on voit reparaître assez régulièrement dans l'actualité.
Un regard donc de journaliste, assez moderne dans son approche et ses analyses, le style restant vraiment littéraire. L'écriture n'a pas trop vieillie et ce livre se lit facilement même si le sujet n'est pas dans nos préoccupations.

Quelques extraits :

 Naturellement, comme au début de toutes les explorations de ce genre, un ami m'attendait. Je ne pouvais espérer un meilleur guide. L'un et l'autre, nous savions flâner et tomber dans un certain monde sans nous raidir. Je déteste pénétrer en moraliste en des lieux où les moralistes n'ont que faire. Il n'y  a guère de plus affreuse hypocrisie. j'aime les quartiers réservés pour les raisons que j'ai dites plus haut, et je ne me sens pas le besoin de juger ceux qui les habitent pour en vivre et ceux qui les fréquentent pour des causes qui ne me regardent point. j'étais là, tout simplement  parce que le spectacle m'émouvait, qu'il était rare, qu'il ne manquait point de distinction. En évitant de consommer dans ces royaumes de la chair jeune ou flétrie, on y apprend bien des choses. J'étais en route pour apprendre et voir, pour "m'émerveiller de voir".

Quand tous les bordels du monde seront remplacés par des autoclaves où l'on purifiera clients et filles, on assistera à de curieux spectacles clandestins, et les créations de cette exaltation secrète seront terrifiantes. On connaît les résultats de la lutte contre l'alcool aux Etats Unis,. Il serait cruel d'insister sur les résultats de cette expérience de bigots exaspérés.

A celles-là, à ces ruines vivantes qui peuvent habiter des rues comme la rue Vasaet-el-Gir, au Caire, on peut offrir par charité la "prise" libératrice qui leur fera entrevoir une destinée plus conforme aux idées générales que l'on est en droit d'accueillir au sujet du bonheur humain. Malheureusement, il n'est pas que les désespérés légitimes pour avoir recours à la drogue. Le snobisme crée un besoin nouveau, le snobisme et la nervosité imbécile d'une époque particulièrement inquiétante.

Ce sont des hommes qui deviennent précieux tout d'un coup, puis qui disparaissent, se fondent dans la nuit comme un morceau de sucre dans un liquide chaud. Ces hommes là, on est parfois content de les rencontrer au coin d'une rue d'une ville inconnue, devant un mystère romantique dont il faut se méfier. L'homme qu'on rencontre la nuit se fait un vrai plaisir de remettre les choses au point.

2 commentaires:

  1. A priori, ce n'est pas le genre de récits que j'aime lire habituellement... Mais ta présentation est très attrayante.

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    1. Merci,j'aime beaucoup le style de Pierre Mac Orlan qui est vraiment agréable, ce n'est sans doute pas le premier livre à lire de lui, ses romans sont plus accessibles, sans parler de ses chansons.

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