Pavlos est rentré à Athènes sans raison précise et sans même réserver
son billet de retour pour Paris où il vit et travaille depuis plus de
vingt ans. Il redécouvre une ville, une culture, ses origines, un pays
très jeune et très vieux à la fois et choisit bientôt d'élucider un
mystère qui semble contenir toutes ses incertitudes : quel est donc le
sens de la fameuse lettre E jadis suspendue à l'entrée du temple
d'Apollon à Delphes ? Pavlos ne néglige aucune piste pour essayer de
résoudre l'énigme : de Jannina à Delphes, il parcourt tout l'ouest du
pays, interroge les archéologues, les chauffeurs de taxi et même son
père fabulateur... Pavlos s'interroge enfin sur le silence de sa mère
absente. N'est-ce pas le silence que la lettre E évoque pour lui ? Il ne
semble pas pressé de trouver la réponse : l'énigme lui tient compagnie.
Il se dit que le but de l'écriture n'est peut-être pas d'éclaircir mais
de multiplier les mystères. À l'évidence, sa langue maternelle, ta
ellènika, commence bien par cette lettre E. Et s'il en était ainsi de
tous les mots ?
Mon avis :
Pavlos, dessinateur
de presse, de retour dans son pays nous offre son regard sur les gens qu'il
côtoie, sur les lieux qu'il redécouvre, sur ses souvenirs. Il nous entraîne dans une quête
dont le point de départ est la lettre Epsilon qui était suspendue à l'entrée du temple
d'Apollon à Delphes . Ainsi, d'Athènes à
Delphes en passant par Jannina, il part en quête de ses propres souvenirs qui rebondissent au gré
d'une rencontre d'un paysage, d'un mot entendu ou soudainement apparu. Il
collectionne peu à peu les mots commençant par cet epsilon source de sa quête.
Il retrouve peu à peu sa mère disparue, si silencieuse à coté de ce père diseur
d'histoires.
Une écriture
"au fil de la pensée", pleine de
retours en arrière, dans une langue poétique qui va jusqu'à la racine
des mots. Les premières pages m'ont un peu désorienté mais tout de suite j'ai
été pris par cette façon d'écrire. Un effet secondaire plutôt agréable, cette
lecture m'a donné envie de retourner en Grèce, avec un regard différent.
Quelques extraits :
"Ce
quartier n'est pas un endroit, ai-je pensé, c'est une époque. je traverse une
époque." J'ai ressenti une douleur inexplicable en voyant une collégienne
d'une douzaine d'année, avec un tas de livres sous le bras, en train d'ouvrir
la porte de sa maison. Je suis passé à coté de mon ancienne école primaire. Le
mur qui protège la cour de récréation a été surélevé, il est haut de quatre
mètres. J'ai entendu les cris des enfants. Soudain un ballon de basket est
passé par dessus le mur et a atterri presque devant moi. Il a rebondi sur le
capot d'une voiture puis au milieu de la chaussée et s'est arrêté devant
l'entrée d'un immeuble. Il n'y avait personne dans la rue. J'ai ramassé le
ballon et d'un coup de pied je l'ai expédié dans la cour. Aux cris des enfants
j'ai deviné que le jeu avait repris. "je suis venu pour vous renvoyer le
ballon", ai-je pensé.
Je lis deux
pages d'un livre, trois d'un autre. Je n'arrive pas à fixer vraiment mon
attention. Je me promène sans but à la surface des choses. Mes voisins
travaillent sur un mémoire, j'imagine. Je ne sais pas sur quoi je travaille.
"j'apprends", pensé-je. Mais voilà que j'écris aussi, sur un sujet
que je ne connais pas. Mon audace m'étonne. Je suis probablement influencé par
les chauffeurs de taxi athéniens qui parlent de tout avec une grande aisance.
"Est-ce un
phénomène important qui mérite réflexion ? " J'ai décidé qu'il n'en valait
pas la peine. "Il n'arrive jamais rien, ai-je pensé. Simplement, on entend
parfois le bruit infime que produit le temps en moulant du vide."
Je suis assis
face à la fenêtre, qui est ouverte, mais je ne vois rien, naturellement. Je
quitterai une fois de plus Jannina en n'emportant aucune image de la ville. Je
me souviendrai de son brouillard. Jannina a l'élégance de ne pas charger la
mémoire de son visiteur d'images superflues, qui seront de toute façon
effacées. Elle offre le tableau d'une ville déjà oubliée. Elle dépose dans la
mémoire de son visiteur un petit morceau de coton.
Ne vous occupez
pas de Plutarque a-t-il dit. Vous avez trouvé un chemin à vous. Il faut le
suivre jusqu'au bout, il vous mènera bien quelque part. Je crains seulement que
l'epsilon vous manque quand vous aurez rassemblé les quarante mots … Mais peut
être n'en aurez vous plus besoin.
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