Dans l'air inerte
d'une nuit d'été, un vieil homme entend - ou croit entendre - le grondement de
la montagne.
Ce rugissement venu
du coeur de la terre, lui seul semble le percevoir comme la révélation de sa
mort prochaine. Notable, en apparence calme et rangé, le vieil homme cache une
personnalité hypersensible, inquiète, troublée par une vie intérieure agitée. Songes,
réminiscences, prémonitions l'absorbent plus que le monde qui l'entoure et dont
il se détache progressivement. Seules les splendeurs fugitives de la nature,
les Arabesques émouvantes des oiseaux et la silhouette blanche et délicate de
sa jeune belle-fille parviennent à le distraire de son obsession de la mort.
Le style de Kawabata
s'apparente aux peintures d'Extrême-Orient où la trajectoire d'une ligne courbe
arrive à recréer la profondeur d'un paysage. Avec le Grondement de la montagne,
l'auteur confronte son personnage hanté par la vieillesse, la mort, le rêve
impossible d'un érotisme lumineux, aux grands moments de sa vie, à ses
déceptions, ses échecs, l'écoulement des saisons ou la beauté éphémère d'un
cerisier en fleur par un matin d'hiver.
Mon avis :
Shengo, un homme de
62 ans conscient de son vieillissement observe les siens, ses enfants dont la
vie conjugale est compliquée, tout dans la nature qui l'entoure, dans les événements qu'il côtoie le mène à la
réflexion.
Est-il un bon père ?
Ne défavorise-t-il pas sa fille ? Pourquoi est-il attiré par sa belle fille ? Est-ce la guerre qui a provoqué tout ces
dérèglements ?
Toutes les questions
que se pose Shengo sur l'existence humaine sont sans doute celles que se posait
Kawabata dans sa maison de Kamakura où se déroule "le grondement de la
montagne".
Malgré des événements difficiles pour les personnages, le ton du roman reste léger et
poétique. La présence permanente de la mort est allégée par les beautés de la
nature.
Un très beau roman
plein de poésie et de sensibilité.
Kawabata dans son
discours de réception du prix Nobel : "La neige, la lune, les cerisiers en
fleur, mots qui expriment la beauté des saisons se transformant l'une en
l'autre, englobent toute la tradition japonaise de la beauté des montagnes, des
rivières, des plantes et des arbres, les milliers de manifestations ou se
révèle la nature, aussi bien que les innombrables sentiments humains."
Quelques extraits :
Les confessions n'apportent aucun réconfort
à personne. On ne souhaite d'ailleurs pas se charger des soucis des autres ; on
parle, on parle jusqu'à la station de tramway, puis on se quitte. Mais c'était
justement ce qu'aurait souhaité Shingo ...
- Si les ménages de
leurs fils et de leurs filles marchent bien, ce serait un succès à mettre à
l'actif de ces époux.
- Dans le monde où
nous vivons, dans quelle mesure les parents peuvent ils être tenus responsables
de la vie conjugale de leurs enfants.
C'est ainsi qu'il
aurait voulu se confier à ses anciens amis, et l'écho murmuré de ces propos
imaginaires résonnait inopinément en lui.
"Si mon
père faisait bouillir ses épinards à la source radioactive en mesurant la
température et le temps, je pense qu'il deviendrait aussi vigoureux que Popeye,
même en l'absence de Kikuko, dit Fusako sans rire. Pour moi, je n'en peux plus,
c'est trop triste."
Dans un lieu
dont au réveil il avait oublié le nom - mais peu importait - un homme
réunissait sur son menton toutes les particularités de tous les États. En
outre, cet ensemble pileux loin d'offrir un pêle-mêle racial se divisait en
plusieurs secteurs, le secteur français, l'indien, etc., où des touffes de
chaque type se côtoyaient. Le gouvernement des États-Unis classa cette barbe Trésor national, si bien
que le pauvre homme ne pouvait plus se tailler ni se nettoyer la barbe à son
gré.
Ce fut tout. Le
vieillard avait vu la barbe panachée, l'avait même ressentie comme sienne. Il
avait participé dans une certaine mesure, à la fierté, à la perplexité de cet individu.
Il existe
de par le monde quelques personnes qui se ressemblent tellement qu'on ne peut
les prendre que pour parents et enfants ; il ne doit pas pourtant y en avoir
beaucoup ; dans le monde entier, il ne doit se trouver qu'un homme que l'on
puisse assortir à cette fille, qu'une fille que l'on puisse assortir à cet
homme. Un seul pour chacun d'eux. Dans le monde entier, peut être n'existe-t-il
qu'une paire de ce genre. Ils vivaient en étrangers, sans que rien n'indiquât
le moindre lien entre eux. Peut-être chacun ignorait-il l'existence de l'autre
?
… Ils s'étaient
séparés, après avoir été les participants d'un miracle dont ils restaient
inconscients.
Le seul que
l'étrangeté de la coïncidence eût frappé n'était qu'un étranger.
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